Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/560

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nation et la lenteur de son débit ; il n’eut, eu un mot, aucun autre talent que celui de l’action ; dans tout le reste, il était encore inférieur à Cnéus.

LXVII. M. Pison dut tout à l’étude ; et de ceux qui le précédèrent, pas un ne fut aussi profond que lui dans les sciences de la Grèce. Il tenait de la nature un genre de finesse que l’art perfectionna beaucoup, et qui consistait à relever, par une adroite et ingénieuse critique, les paroles de son adversaire ; mais ses remarques étaient souvent passionnées, quelquefois un peu froides, d’autres fois aussi d’un bon ton de plaisanterie. Promptement fatigué du barreau, il n’y fournit pas une longue course : sa santé était mauvaise, et il ne supportait pas les sottises et les impertinences qu’il nous faut dévorer ; il les repoussait avec une indignation qu’on attribuait à une humeur chagrine, et qui n’était peut-être que l’expression franche et naïve d’un juste dégoût. Après avoir jeté assez d’éclat dans sa jeunesse, sa réputation déchut peu à peu. Plus tard, le procès des Vestales lui fit beaucoup d’honneur ; et, rappelé dans la carrière par ce succès, il s’y distingua aussi longtemps qu’il put soutenir le travail. Autant dans la suite il retrancha de ses études, autant il perdit de sa gloire. P. Muréna, doué d’un talent médiocre, mais riche de connaissances historiques, aimant les lettres et les cultivant avec quelque succès, eut une activité infatigable, et fut très occupé. C. Censorinus, assez instruit dans la littérature grecque, exposait sa pensée avec facilité, et son action n’était pas sans grâces ; mais il était paresseux et haïssait le barreau. L. Turius, avec peu de génie et beaucoup de travail, parlait de son mieux, et parlait souvent : aussi ne lui manqua-t-il, pour être consul, qu’un petit nombre de centuries. C. Macer n’eut jamais un nom considéré ; mais peu d’avocats déployèrent un zèle aussi actif. Si sa vie, ses mœurs, sa physionomie enfin, n’eussent décrédité son talent, il eût joui d’une plus grande renommée ; son imagination, sans être abondante, n’était pas stérile ; son style n’était ni très brillant ni entièrement négligé ; sa voix, son geste, toute son action, manquaient de grâces ; mais il apportait à l’invention des preuves, et à leur distribution, un soin si admirable, que je citerais difficilement un orateur qui sût mieux approfondir et ordonner un sujet. Toutefois, cette exactitude semblait appartenir aux artifices de la plaidoirie plutôt qu’à la véritable éloquence. Sa voix se faisait écouter dans les grandes causes ; cependant il paraissait avec plus d’éclat dans les affaires d’intérêt privé.

LXVIII. Vient ensuite C. Pison, orateur d’une action calme et d’une abondance familière ; il ne manquait pas d’invention, et pourtant son air et le jeu étudié de sa physionomie annonçaient encore plus de finesse qu’il n’en avait réellement. M’. Glabrion, du même âge que lui, avait été formé par les excellentes leçons de Scévola, son aïeul ; mais sa paresse et son indolence arrêtèrent son essor. Une diction élégante, un jugement solide, une urbanité parfaite, tel était le caractère de L. Torquatus. Parmi ceux de mon âge, un homme né pour tous les genres d’illustration, Pompée, se serait fait un nom plus grand dans l’éloquence, si une autre ambition