Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome III.djvu/191

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tour duquel cet ordre ait cru devoir implorer, par la voix et la lettre d’un consul, le secours des citoyens de toute l’Italie qui voulaient le salut de la république. C’est pour me rappeler que toute l’Italie est accourue à la fois dans cette ville comme à un signal. C’est au sujet de mon rappel que Lentulus, ce grand homme, cet excellent consul, que l’illustre et invincible Pompée, que les autres dignitaires de l’État, firent ces harangues fameuses et écoutées avec tant de sympathie. Le sénat, par un décret rendu en ma faveur sur l’avis de Pompée, déclara ennemi de la patrie quiconque s’opposerait à mon retour ; et telles furent les paroles qui accompagnèrent cette décision, que jamais triomphe ne fut décerné en termes plus magnifiques que ne fut porté le décret de mon rétablissement. Tous les magistrats s’étant réunis alors, excepté un des préteurs, frère de mon ennemi, de qui on ne devait pas exiger une pareille déférence ; excepté deux tribuns du peuple, qui s’étaient vendus comme à l’encan, le consul Lentulus porta une loi pour mon rappel, dans la plus solennelle des assemblées, de l’avis de Q. Métellus son collègue, de Métellus, que cette même république, qui pendant son tribunat, nous avait désunis, rapprocha de moi pendant son consulat, grâce à la vertu et à la sagesse du plus juste et du plus intègre des hommes. Est-il besoin que je dise comment cette loi fut reçue ? J’apprends de vous, sénateurs, que nul citoyen n’a trouvé d’excuse assez légitime pour ne pas assister à l’assemblée, que jamais assemblée ne fut ni plus nombreuse, ni plus brillante. Mais ce que je vois de mes propres yeux, et ce que prouvent les registres publics, c’est que vous-mêmes avez provoqué, avez distribué, avez recueilli les suffrages ; et un soin que vous négligez même, en prétextant votre rang ou votre âge, pour procurer des honneurs à vos parents, vous l’avez pris, sans avoir été sollicités, pour me rendre à mes concitoyens.

[16] XVI. Compare maintenant, nouvel Épicure, sorti de l’étable et non de l’école, compare, si tu l’oses, ton absence avec la mienne ! Tu as obtenu une province consulaire, dont ta cupidité, et non la loi de ton gendre, avait fixé l’étendue. Par la loi de César, loi aussi sage que juste, les peuples libres l’étaient véritablement ; mais par cette loi, que personne n’a regardée comme loi, excepté toi et ton collègue, toute 1’Achaïe, la Thessalie, Athènes et toute la Grèce étaient soumises à tes ordres ; tu avais une armée, non pas telle que te l’avaient donnée le sénat ou le peuple romain, mais telle que l’avait formée ton caprice ; tu avais épuisé le trésor. Qu’as-tu fait avec un commandement, une armée, une province consulaire ? Je demande à Pison ce qu’il a fait. A peine fut-il arrivé… mais je ne parle pas encore de ses rapines, de ses concussions, de ses exactions, du massacre des alliés et de ses hôtes, de sa perfidie, de sa cruauté ; je ne dévoile pas tous ses crimes. Bientôt, si je le crois nécessaire, je l’attaquerai comme voleur, comme sacrilége, comme assassin ; je me contente pour le moment de comparer le temps de mes disgrâces avec la brillante fortune d’un « imperator ». Occupa-t-on jamais une province avec une armée, sans écrire au sénat ? une province si vaste avec une armée si puissante ; surtout la Macédoine, qui confine à tant de nations barbares, que les gouverneurs n’ont jamais eu d’autres bornes dans leur département que celles de leur bravoure et