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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome III.djvu/450

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à déclarer que tout ce qui frappe nos yeux est tel qu'il nous paraît ; c'est à Épicure à se tirer de cette difficulté, et de bien d'autres. A mon avis, le témoignage des sens est excellent lorsqu'ils sont sains et en bon état, et que tous les embarras et obstacles du dehors sont levés. C'est ainsi que nous voulons souvent que les objets contemplés par nous soient éclairés et situés d'une autre façon ; que nous les approchons et les éloignons ; que nous opérons enfin vingt changements, jusqu'à ce que leur aspect nous soit de lui-même un sûr garant de l'exactitude de nos perceptions. Il en est de même pour la voix, pour l'odeur, la saveur, et vous ne trouverez personne d'entre vous qui demande pour nos sens, chacun dans sa sphère, un jugement plus pénétrant. Mais qui ne voit quelle perfection l'exercice et la culture de l'art peuvent donner à nos sens ? quels instruments la peinture ne fait-elle pas de nos yeux et la musique de nos oreilles ? Combien, dans les ombres et les saillies, un peintre ne sait-il pas découvrir de nuances qui nous échappent ? Combien dans un chant ne perdons-nous pas de détails et de beautés qu'entendent les gens habiles ? Au premier son de la flûte, ils savent ce que l'on joue ; c'est l'Antiope, c'est l'Andromaque ; tandis que nous n'en avons pas même le soupçon. Il n'est pas nécessaire de parler du goût et de l'odorat ; ils servent à nous instruire, quoique imparfaitement, il est vrai. Que dire du tact, et surtout de celui que les philosophes nomment intérieur, de ce sens de la douleur et de la volupté que les Cyrénaîques regardent comme le seul juge de la vérité, parce qu'il nous donne des émotions indubitables ? Quelqu'un peut-il dire qu'entre celui qui souffre et celui qui est dans la volupté, il n'est pas de différence ? Celui qui soutiendrait une telle opinion, ne serait-il pas manifestement en démence ? Telles sont les représentations que perçoivent directement nos sens ; telles sont ces notions que l'on n'attribue pas précisément aux sens, mais qui leur appartiennent en quelque façon, comme par exemple : Cet objet est blanc, cet autre est doux, ceci est sonore, ce corps sent bon, celui-là est rude ; car se sont là déjà des appréhensions de l'esprit et non plus des sens. Viennent ensuite des propositions de ce genre : Cet animal est un cheval, celui-ci est un chien. Puis celles où se trouvent unis des termes plus importants, et qui renferment comme une idée accomplie de l'objet : telle est celle-ci, par exemple : Si l'homme existe, c'est un animal mortel et raisonnable. Ce sont elles qui fixent dans nos esprits les notions des choses, notions sans lesquelles on ne peut rien comprendre, rien étudier, raisonner sur rien. Mais si ces notions étaient fausses (vous traduisiez, je crois, ἐννοίας par notions] ; si elles étaient fausses, ou imprimées dans notre esprit par des représentations telles qu'on ne saurait distinguer les fausses des vraies, à quoi pourraient-elles nous servir ? Comment pourrions nous reconnaître ce qui est conforme ou contraire à la nature de chaque chose ? Non-seulement la philosophie, mais tous les arts utiles à la vie, tous les travaux de l'esprit dépendent surtout de la mémoire ; mais la mémoire avec une telle supposition ne s'évanouit-elle pas ? Qu'est-ce qu'une mémoire de mensonges ? Et comment se souvenir de ce que l'esprit ne saisit et ne possède pas ? Qu'est-ce qui constitue un art ? Ce n'est pas une ou deux notions, mais un grand nombre de perceptions de l'esprit. Si vous mettez