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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome III.djvu/467

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autorités, embarrassantes pour vous, mais peu considérables, Stilpon, Diodore, Alexinus, auteurs de certains sophismes (c’est ainsi qu’où nomme les raisonnements captieux), qui ne manquent ni de subtilité ni d’art. Mais à quoi bon recueillir leur témoignage, quand j’ai pour moi Chrysippe, qui passe pour la colonne du Portique ? Combien d’objections n’a-t-il pas dirigées contre les sens et contre toutes les idées que l’on reçoit dans la vie pratique ? —Mais il les a résolues ? —Je ne le pense pas ; mais admettons que cela soit ; certainement il n’aurait pas réuni tant d’exemples de probabilités trompeuses, s’il n’avait vu qu’il est difficile d’y résister. Et les Gyrénaïques ? C’est une école qu’on est loin de mépriser, et qui affirme que l’homme ne peut rien connaître en dehors de lui : tout ce que l’on peut connaître, d’après elle, c’est ce que le sens intérieur nous fait éprouver, comme la douleur, ou la volupté ; de quel le couleur sont les corps, quels sons rendent-ils ? Elle n’en sait rien ; elle sent seulement que l’esprit est affecté d’une certaine façon. En voilà assez sur les autorités ; quoique cependant vous m’ayez demandé si je ne pensais pas que depuis les anciens, la vérité cherchée pendant tant de siècles par tant de beaux esprits, et avec tant d’ardeur, n’ait pu enfin être découverte. J’examinerai dans quelques instants, en vous prenant vous-même pour juge, ce que l’on a découvert en effet. Quant à Arcésilas, s’il attaqua Zénon, ce ne fut pas par une maligne envie, mais par le désir de trouver la vérité ; et voici ce qui le prouve : aucun des anciens philosophes n’avait, je ne dis pas démontré avec soin, mais énoncé en deux mots, que tout homme peut s’abstenir de juger quand la lumière manque, et que le sage non-seulement le peut, mais le doit. Cette maxime parut à Arcésilas non seulement très-juste, mais fort louable et digne du sage. On peut supposer qu’il demanda à Zénon ce qui doit arriver, si le sage ne peut rien connaître, et s’il est indigne de lui de juger sans lumière. Zénon répondit, j’imagine, que le sage ne jugera jamais sans lumière, parce qu’il est des choses que l’on peut connaître. — Quelles choses ? — Les représentations. — Mais quelles représentations ? — Celles, aura répondu Zénon, qui viennent d’un objet réel, et telles qu’elles sont déposées, imprimées et figurées en nous. — Alors, si telle est la représentation vraie, quel est le signe de la fausse ? — Ici Zénon vit parfaitement que nulle représentation ne nous donnera de connaissance, si celles qui viennent d’objets chimériques peuvent prendre les traits de celles qui viennent d’objets réels. Arcésilas en tombe d’accord avec raison ; et l’on ajouta ce trait à la définition de la représentation vraie ; car il est clair qu’on ne pourrait connaître ni le faux ni le vrai, si l’un et l’autre étaient pareils. Mais Arcésilas employa tous ses efforts à démontrer qu’il n’est aucune représentation vraie que l’erreur ne puisse exactement imiter. C’est là le véritable et unique point de la controverse, qui dure encore. Car cette maxime, que le sage ne doit rien affirmer, n’était pas engagée dans cette discussion. On pouvait en effet, dans l’impossibilité de la connaissance, ouvrir la porte à la conjecture ; ce que fit Carnéade, nous dit-on. Pour moi, m’en fiant à Clitomaque, plus qu’à Philon et à Métrodore, je crois que Carnéade agita cette question sans la résoudre dans le sens dont je parlais. Mais laissons cela. Ce qu’il y a de certain, c’est que la conjecture étant interdite, et la connaissance impossible, nous arrivons directement à la suspension de tout jugement, en sorte que, si je