XXVI. Mais à quoi bon parler de ce vaisseau, puisque vous méprisez l’objection de là rame ? Sans doute, vous voulez de plus grands exemples. Quoi de plus grand que le soleil ? Les mathématiciens nous apprennent qu’il est dix-huit fois plus considérable que la terre. Mais comme il paraît petit à nos yeux ! Pour moi, il méfait l’effet d’avoir un pied de dimension. Épicure pense qu’il est peut-être encore plus petit qu’il ne paraît, mais pas de beaucoup ; ou peut-être un peu plus grand ou exactement aussi grand que nous le voyons ; il veut que nos yeux ne nous trompent pas, ou ne nous trompent que de fort peu. Mais que devient alors cette affirmation absolue : Une seule fois ? Mais laissons là cet esprit crédule qui prétend que les sens nous disent toujours vrai ; toujours, lors même que ce soleil, emporté par un mouvement si rapide que nous n’en pouvons concevoir la vitesse, nous semble immobile, à les en croire. Mais pour ramener la controverse à de justes proportions, voyez, je vous prie, combien le véritable sujet de la discussion est restreint. Il y a quatre points fondamentaux au nom desquels on conclut qu’il n’est rien que l’on puisse connaître, percevoir et comprendre ; et c’est sur cette conclusion que tout le combat est engagé. Le premier point est qu’il y a des représentations fausses ; le second, qu’elles ne peuvent nous donner de connaissances ; le troisième, qu’entre des représentations semblables, il est impossible que les unes nous donnent des connaissances et les autres non ; le quatrième enfin, qu’il n’est pour les sens aucune représentation vraie, à laquelle ou ne puisse en opposer une fausse, qui lui ressemble de tous points, et que cependant il soit impossible de connaître. De ces quatre points, le second et le troisième sont accordés par tout le monde. Épicure conteste le premier. Vous, avec qui nous discutons, vous l’accordez aussi. Toute la controverse roule donc sur le quatrième. Or celui qui voyait P. Servilius Géminus, croyant voir Quintus, tombait précisément sur une représentation qui ne pouvait lui donner de connaissance ; car il n’y avait aucune marque pour distinguer le faux du vrai ; et dès que cette distinction est impossible, comment reconnaître, par exemple, G. Cotta, qui fut deux fois consul avec Géminus, à un signe certain qu’un faux Cotta ne pût usurper ? Vous dites qu’il n’y a point de ressemblance aussi complète dans la nature. Voilà le débat engagé ; mais votre adversaire est fort traitable. Qu’elles ne soient pas réelles, je vous l’accorde ; mais du moins peuvent-elles être apparentes. Cette apparence trompera nos sens ; et une seule ressemblance qui nous trompe rend tout douteux. Dès que vous ne pouvez plus porter de jugement en vertu d’une lumière certaine, quand même la personne que vous voyez serait bien celle que vous pensez, vous ne la reconnaissez pas cependant à cette marque infaillible dont vous dites que l’erreur ne peut jamais se prévaloir à vos yeux. Puisque vous pouvez prendre P. Géminus pour Quintus son frère, comment serez-vous certain de ne jamais prendre pour Cotta un autre que lui ? Car enfin il est des apparences qui nous trompent. Vous dites que tout être appartient à une espèce particulière ; qu’aucun individu n’est identique avec un autre. C’est une maxime stoïcienne, qui me semble peu croyable, qu’il n’y ait pas dans toute la nature deux poils ou deux graines absolument semblables. On pourrait prouver le contraire ; mais je n’en suis pas tenté ; il importe peu