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CICÉRON.

nons heureux, et si elles périssent, nous ne serons plus capables de souffrir, ayant perdu tout sentiment ?

XII. L’a. Je vous en supplie, commencez par me démontrer, s’il vous est possible, que l’âme est immortelle ; et comme peut-être vous n’y réussirez point (car la chose n’est pas aisée), ensuite vous me ferez voir, du moins, que la mort n’a rien de fâcheux. Je la trouve à craindre, non pas quand elle m’aura privé de sentiment, mais parce qu’elle doit m’en priver. C. Pour appuyer l’opinion, dont vous demandez à être convaincu, j’ai a vous alléguer de fortes autorités ; espèce de preuve qui dans toutes sortes de contestations est ordinairement d’un grand poids. Je vous citerai d’abord toute l’antiquité, l’ius elle touchait de près à l’origine des choses, et aux premières productions des Dieux, plus la vérité, peut-être, lui.était connue. Or, la croyance générale des anciens était, que la mort n’éteignait pas tout sentiment, et que l’homme nu sortir de cette vie n’était pas anéanti. Quantité de preuves, mais surtout le droit pontifical, et les cérémonies sépulcrales, ne permettent pas d’en douter. Jamais des personnages d’un si grand sens n’auraient révéré si religieusement les sépulcres, ni condamné à de si grièves peines ceux qui les violent, s’ils n’avaient été bien persuadés que la mort n’est pas un anéantissement, mais que c’est une sorte de transmigration, un changement de vie, qui envoie au ciel et hommes et femmes d’un rare mérite : tandis que les âmes vulgaires sont retenues ici-bas, mais sans êtres anéanties. Plein de ces idées, qui étaient celles de nos pères, et conformément au bruit de la renommée, Ennius a dit :

Romalus est au ciel, il vit avec les dieux.

Hercule fut pareillement reconnu pour un très-grand et très-puissant dieu, d’abord dans la Grèce, ensuite parmi nous, et Jusqu’aux extrémités de l’Océan. On a, sur ce principe, déilié Bacchus, fils de Sémélé, et les deux célèbres Tyndarides, qui daignèrent, a ee qu’on d ; t, non-seulement nous rendre victorieux dans un combat, mais eu apporter eux-mêmes la nouvelle à Rome. Ino, fille de Cadmus, ne doit-elle pas aussi sa divinité à ce préjugé ? En un mot, et pour éviter un plus long détail, n’est-ce pas les hommes qui ont peuplé le ciel’?

XIII. Si je fouillais dans l’antiquité, et que je prisse à tâche d’approfondir les histoires des Grecs, nous trouverions que ceux même d’entre les Dieux, à qui l’on donne le premier rang, ont vécu sur la terre, avant que d’aller au ciel. Informez-vous quels sont ceux de ces Dieux, dont les tombeaux se montrent en Grèce. Puisque vous êtes initié aux mystères, rappelez-vous en les traditions. Vous tirerez de là vos conséquences. Car, dans cette antiquité si reculée, la physique n’était pas connue : elle ne l’a été que longtemps après : en sorte que les hommes bornaient alors leurs notions à ce que la nature leur mettait devant les yeux : ils ne remontaient point des effets aux causes : et c’est ainsi que sur de certaines visions, la plupart nocturnes, souvent ils se déterminaient a croire que les morts étaient vivants. Appliquons ici ce qu’on regarde comme une très-forte preuve de l’existence des Dieux, qu’il n’y a point de peuple assez barbare, point d’homme assez farouche, pour n’en avoir pas l’esprit imbu. Plusieurs peut pies, à la vérité, n’ont pas une idée juste des-Dieux ; ils se laissent tromper à des coutumes