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CICÉRON.

ne conçois pas. Aristoxène donc, tout docte qu’il est d’ailleurs, ferait mieux de laisser parler sur ces matières Aristote son maître. Qu’il montre à chanter : voilà ce qui lui convient à lui ; car le proverbe des Grecs, Que chacun fasse le métier qu’il entend, est bien sensé. Quant à Démocrite, pure folie que cette rencontre fortuite d’atomes unis et ronds, d’où il fait procéder le principe de la respiration et de la chaleur. Pour en revenir donc aux quatre éléments connus, il faut, si l’âme en est formée, comme l’a cru Panétius, qu’elle soit un air enflammé. D’où il s’ensuit qu’elle doit gagner la région supérieure, car ni l’air ni le feu ne peuvent descendre, ils montent toujours. Ainsi, supposé qu’enfin ils se dissipent, c’est loin de la terre : et supposé qu’ils ne se dissipent pas, mais qu’ils se conservent en leur entier, dès lors ils tendent encore plus nécessairement en haut, < et percent cet air impur et grossier qui touche la terre. Car il y a dans notre âme une tout autre chaleur, que dans cet air épais. On le voit bien, puisque nos corps, qui sont composés déterre, empruntent de l’âme tout ce qu’ils ont de chaleur.

XIX. Ajoutons que l’âme étant d’une légèreté sans égale, il lui est bien facile de fendre cet air grossier, et de s’élever au-dessus. Rien n’approche de sa vélocité. Si donc elle demeure incorruptible, et sans altération, il faut que montant toujours, elle pénètre au travers de cet espace ou se forment les nuées, les pluies, les vents ; et qui, à cause des exhalaisons terrestres, est humide et ténébreux. Quand elle l’a traversé, et qu’elle se trouve ou règne un air subtil avec une chaleur tempérée, ce qui est conforme à sa nature, la elle se range avec les astres, et ne fait plus d’efforts pour monter plus haut. Elle s’y tient immobile, et toujours dans l’équilibre. C’est là, enfin, sa demeure naturelle, ou elle n’a plus besoin de rien, parce que les mêmes choses qui servent d’aliment aux astres, lui en servent aussi. Qu’est-ce qui enflamme nos passions ? Ce sont les sens. L’envie nous dévore à la vue des personnes qui ont ce que nous voudrions avoir. Quand donc nous aurons quitté nos corps, nous serons certainement heureux, sans passions, sans envie. Aujourd’hui, dans nos moments de loisir, nous aimons à voir, à étudier quelque chose de curieux ; et nous pourrons alors nous satisfaire bien plus librement. Alors nous méditerons, nous contemplerons, nous nous livrerons à ce désir insatiable de voir la vérité. Plus la région ou nous serons parvenus, nous mettra à portée de connaître le ciel, plus nous sentirons croître en nous le désir de le connaître. Ce fut, dit Théophraste, la beauté des objets célestes, qui fit naître dans l’esprit des hommes la philosophie, que nous tenons de nos ancêtres. Si ces découvertes ont de grands charmes, ce doit être, surtout, pour ceux qui dès cette vie cherchaient à les faire, malgré les ténèbres dont nous sommes environnés.

XX. On se fait une joie d’avoir vu l’embouchure du Pont-Euxin, et le détroit que passa