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CICÉRON.

mélancolie est le partage des grands génies : et c’est ce qui me console de la médiocrité du mien. Il confirme sa remarque par divers exemples : après quoi, comme si le fait était certain, il en donne la raison. Quoi qu’il en soit, puisque les organes influent sur les qualités de l’âme, et que la ressemblance d’une âme à l’autre ne peut venir que de la seidenient, cette ressemblance, par conséquent, ne prouve pas que les âmes elles-mêmes soient engendrées. Je voudrais que Panétius fût au monde, lui qui était contemporain et ami de Scipion l’Africain,.le lui demanderais a qui de toute la famille des Scipions ressemblait le neveu de cet illustre personnage ? Pour les traits, c’était son père : pour les mœurs, il fallait chercher son semblable dans le plus scélérat de tous les hommes. Et Crassus, dont la sagesse, dont l’éloquence, dont le rang était si considérable, n’a-t-il pas eu de même un petit-fils, qui ne tenait rien de son mérite ? Combien d’autres grands nommes, qu’il est inutile de nommer, ont eu une postérité indigne d’eux ? Mais où tend ce discours ? Oublions-nous qu’après en avoir dit assez sur l’immorlalité de l’âme, notre but présentement doit être de montrer que, même en supposant l’âme mortelle, nous n’avons pointa redouter la mort ? L’a. Je ne l’oubliais pas : mais tant que vous me parliez de l’immortalité, je vous laissais volontiers perdre de vue l’autre objet.

XXXIV. C. Vos desseins, à ce que je vois, sont grands ; vous aspirez au ciel. J’espère que nous y arriverons. Mais enfin, puisqu’il y a des philosophes d’un autre sentiment, prenons que l’âme soit mortelle. L’a. Toute espérance d’une vie plus heureuse que celle-ci est donc nulle dès lors ? C. Que nous en revient-il de mal ? Est-ce qu’après l’extinction de l’âme, le sentiment continuera dans le corps ? On ne l’a jamais dit. Épicure, à la vérité, soupçonne Démocrite de l’avoir cru : mais les partisans de Démocrite le nient. Or le sentiment ne continuera pas non plus dans l’âme, puisque l’âme n’existera plus. Dans quelle partie de l’homme feriez-vous donc résider le mal ? Car il n’y a qu’âme et corps. Le mettez-vous en ce que la séparation d(î l’un et de l’autre ne se fait pas sans douleur ? Mais cette douleur combien peu dure-t-elle ? D’ailleurs, êtes-vous sûr qu’il y ait (le la douleur ? Je crois, moi, (pion meurt pour l’ordinaire sans le sentir, et que même quelquefois il s’y trouve du plaisir. Quoiqu’il en soit, ce qui se passe alors en nous ne saurait être que peu de chose, puisque c’est l’affaire d’un instant. L’a. Par où la mort nous afflige, nous met au désespoir, c’est que dans ce moment nous quittons les biens de cette vie. C. Peut-être, si vous disiez ses misères, parleriezvous plus juste. À quoi bon déplorer ici la destinée des hommes ? Je n’en aurais que trop de sujet. Mais puisqu’ici mou but est de prouver qu’après la mort nous n’aurons plus à souffrir, pourquoi rendre cette vie plus fâcheuse encore par le récit des souffrances qui l’accompagnent ? Je les ai décrites dans ce livre, ou j’ai cherché a me donner autant que j’en étais capable, quelque consolation. La vérité, si nous voulons eu convenir, est que la mort nous enlève, non pas des biens, mais des maux. Hégésias le prouvait si éloquemment, que le roi Ptolémée, dit-on, lui défendit de traiter cette matière, dans ses leçons publiques, à cause que plusieurs de ses auditeurs se donnaient la mort. Nous avons une épigramme de Callimaque sur Cléombrote d’Ambracie, qui, sans avoir d’ail-