Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.7.djvu/107

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pu me détourner un moment de mon devoir, ne devait pas détourner davantage mes concitoyens de m’appeler aux honneurs. Le premier jour que vous êtes venus prendre séance en qualité de juges de l’accusé, quel homme assez ennemi de l’ordre sénatorial, assez impatient de nouveautés et de réformes, en fait de tribunaux et de juges, n’aurait été saisi de respect à la vue de votre auguste assemblée ? Après avoir, grâce à votre mérite, recueilli ce premier fruit de mes soins, il ne m’a pas fallu plus d’une heure pour que cet accusé si audacieux, si opulent, si prodigue, si déterminé, ait perdu tout espoir de séduire ses juges : le premier jour, le peuple romain, frappé de cette multitude de témoins que j’avais fait paraître, jugea que, si cet homme était absous, la république ne pourrait subsister ; le second jour, les amis de l’accusé, ainsi que ses défenseurs, non-seulement perdirent l’espoir de triompher, mais même toute envie de le défendre ; le troisième jour l’avait tellement atterré, qu’il feignit d’être malade, non pour examiner ce qu’il répondrait, mais pour trouver un moyen de ne pas répondre. Enfin, dans les autres jours, tant de charges, tant de témoins, venus de Rome et des provinces, l’ont accablé, écrasé si complètement, que, bien que les jours consacrés aux jeux aient interrompu la cause, il n’y a personne qui n’ait vu en lui, non pas un accusé dont le jugement était ajourné, mais un coupable condamné.

VIII. Pour ce qui me concerne, juges, la cause est donc gagnée ; car ce n’était point les dépouilles de Verrès(27), mais l’estime du peuple romain, que j’ambitionnais. Il m’importait de ne point, sans une puissante raison, me charger du rôle d’accusateur. Et quelle raison plus légi-