jamais cru qu’un traître pût mériter sa confiance. Sylla lui-même, à qui la défection de Verrès dut faire plaisir, l’éloigna de sa personne et de son armée ; il lui ordonna de rester à Bénévent(57), c’est-à-dire dans une ville dont les habitants lui étaient fidèlement attachés, et où il était sûr que ce transfuge ne pourrait nuire à ses grands projets. Si dans la suite il le récompensa généreusement, s’il lui permit de piller les biens de quelques proscrits, il le paya comme on paie un traître, mais il ne le traita jamais en ami. Quoiqu’il y ait des hommes dont la haine poursuit Carbon jusque dans la tombe, ils doivent s’occuper non pas de ce qu’ils ont voulu qu’il lui arrivât, mais de ce qu’ils ont à craindre pour eux-mêmes dans la conjoncture actuelle. Ici le mal, la crainte, le péril sont communs. Il n’y a point de pièges plus perfides que ceux qui sont tendus sous le voile du devoir, ou que dérobe à nos regards le masque de la bienveillance : celui qui attaque ouvertement avertit de se mettre sur ses gardes, et l’on peut aisément l’éviter ; mais la haine cachée, secrète, domestique, s’avance dans l’ombre, et frappe avant qu’on ait pu la découvrir et même l’apercevoir. N’est-ce pas là ce que vous avez fait ? On vous avait envoyé à l’armée en qualité de questeur ; non-seulement vous aviez reçu en dépôt la caisse militaire du consul, mais vous deviez prendre part à toutes ses opérations, à toutes ses délibérations ; vous deviez vous regarder comme son fils, et tout à coup vous l’abandonnez, vous désertez, vous passez dans le camp de ses adversaires ! Quelle scélératesse ! ô monstre qu’il faudrait reléguer aux extrémités de la terre ! Non, non, un être qui s’est rendu coupable d’un si grand forfait ne s’arrêtera point à ce premier pas dans la carrière du crime. Tou-
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