que ceux-là seuls doivent craindre qui n’ont volé que pour eux seuls ; mais qu’il a assez pillé pour contenter beaucoup d’autres ; qu’il n’est point de vertu incorruptible, point de citadelle imprenable quand on a de l’or(8). Si, à son audace pour entreprendre, répondait son astuce dans l’exécution, peut-être aurait-il trouvé quelque moyen de nous surprendre. Mais, par un heureux hasard, son audace incroyable est unie à une rare sottise. Car, ainsi qu’il a montré une insigne effronterie dans ses déprédations, de même, aujourd’hui, plein de l’espoir de corrompre ses juges, il ne cache à personne ses desseins et ses tentatives. Une seule fois en sa vie il dit avoir eu peur(9) ; c’est le jour que je le mis en accusation(10), parce que, revenu depuis peu de sa province, et voué depuis long-temps à l’infamie et à l’indignation publique, il ne trouvait pas le moment favorable pour corrompre ses juges. Aussi, comme j’avais demandé un délai très-court(11) afin d’aller chercher des renseignements en Sicile, Verrès trouva quelqu’un qui demanda deux jours de moins pour se rendre en Achaïe(12) : non dans le dessein d’arriver, par son activité et son adresse, au but qu’ont atteint mes travaux et ma vigilance ; car cet informateur destiné pour l’Achaïe n’alla pas même jusqu’à Brindes. Pour moi, en cinquante jours que j’ai mis à parcourir toute la Sicile, j’ai reçu les dépositions, recueilli les plaintes et les griefs des peuples et des particuliers ; en sorte que chacun est demeuré convaincu que cet accusateur prétendu avait été suscité par Verrès, non pour amener un coupable devant les juges, mais pour me faire perdre un temps précieux.
Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.7.djvu/17
Apparence