Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.7.djvu/375

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il sera le porte-étendard dans l’armée de cet ambitieux qui prétend régner en souverain sur les tribunaux. Voilà ce que le peuple romain repousse avec indignation, voilà ce qu’il ne souffrira pas ! Il vous crie : « Permis à vous, si de tels hommes vous plaisent, si vous voulez enrichir, honorer votre ordre de membres de cette espèce, permis à vous de l’admettre au rang des sénateurs, de le choisir même pour juge dans les affaires qui vous sont personnelles ; mais les citoyens qui, n’étant pas de votre ordre, ne peuvent, grâce aux admirables lois Cornéliennes(62), récuser plus de trois juges, ne veulent pas qu’un homme si cruel, si scélérat, si impie, puisse prononcer sur leur sort. »

XXXII. Si c’est une bassesse, et selon moi la plus infâme et la plus criminelle, de vendre la justice, de mettre à prix sa conscience et sa religion, combien n’est-il pas plus honteux, plus horrible, plus indigne, de condamner l’homme qui vous a payé pour être absous, et de ne pas même observer dans les fonctions de préteur la foi que gardent les pirates ? C’est un crime de recevoir de l’argent d’un accusé : n’en est-ce pas un plus grand d’en recevoir d’un accusateur ? Mais que dire de ceux qui en reçoivent de l’un et de l’autre ? Vous aviez mis, Verrès, votre conscience à l’enchère dans votre province, et vous avez toujours donné raison à celui qui vous comptait le plus d’argent. Je vous le passe : peut-être en trouverait-on qui ont fait comme vous. Mais qu’après avoir vendu votre parole et votre religion à l’une des parties, vous la vendiez encore plus cher à la partie adverse ! vous les trompiez toutes deux ! vous donniez gain de cause à qui bon vous semble, et ne rendiez pas même l’argent à la victime de votre perfidie ! … Qu’allez-vous me citer un