LIV. Mais comment un affranchi avait-il pris ce grand empire sur un préteur ? Pour faire cesser votre surprise, je vais vous dire en deux mots ce que c’est que cet homme ; vous en connaîtrez mieux toute la perversité d’un magistrat qui pouvait le tenir près de lui dans un rang si haut, et vous apprécierez alors tout le malheur de la province. Dans l’art de séduire les femmes, dans toutes les recherches, toutes les pratiques du libertinage, j’ai toujours reconnu chez Timarchide un merveilleux talent ; il semblait que la nature l’eût formé exprès pour servir les passions infâmes d’un homme dont les débauches sont vraiment extraordinaires. On le voyait aller à la découverte, aborder les personnes, adresser la parole, séduire, user tour à tour d’adresse, d’audace et d’effronterie. Il savait de plus inventer jusqu’à de nouveaux moyens de voler ; car Verrès, remarquable seulement par une avidité insatiable et toujours éveillée, était dépourvu de talent et d’imagination. Quand il agissait de lui-même (et dans Rome vous l’avez vu à l’œuvre), il y mettait plutôt de la violence que de l’adresse. Mais Timarchide avait pour le mal une aptitude si étonnante, que dans toute la province il découvrait habilement et suivait à la piste les affaires qui survenaient à chacun, et les besoins qu’il pouvait avoir. Personne dont il ne connût et les adversaires et les ennemis ; il leur parlait, il les soudait, il pénétrait leurs intérêts réciproques, leurs intentions, leurs facultés, leurs moyens. Selon qu’il en était besoin, il inspirait de la crainte, ou, dans le cas contraire, il donnait de l’espérance. Tous les accusateurs, tous les délateurs à gages, étaient à sa disposition. Des qu’il voulait susciter quelque mauvaise affaire à quelqu’un, il n’était jamais embarrassé. Enfin, tout ce qui émanait de Verrès, décrets, ordonnances,
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