Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.7.djvu/461

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simulacre d’un homme qu’ils auraient voulu exterminer. Quoi qu’il en soit, je me suis convaincu par moi-même, pendant le séjour que j’ai fait au milieu de ces Rhodiens (105), que leurs ancêtres leur avaient transmis un respect religieux pour de tels monumens ; et ils me dirent que l’époque où ce prince s’était rendu leur ennemi ne leur faisait point oublier celle où ils avaient élevé sa statue.

LXVI. Vous le voyez, juges, ces principes religieux, qui, chez les Grecs, protègent même au milieu de la guerre les monumens des ennemis, n’ont pu, au sein de la paix la plus profonde, empêcher les statues d’un préteur romain d’être renversées ! Les Taurominitains, dont la ville est notre confédérée, hommes très-paisibles, et qui toujours s’étaient vus entièrement à l’abri des injustices de nos magistrats, n’ont point hésité à renverser la statue de Verrès. Après sa destruction, ils ont voulu toutefois que le piédestal restât au milieu de leur forum, dans la persuasion que ce serait un plus grand déshonneur pour lui que l’on sût que sa statue avait été détruite par les Taurominitains, que si l’on croyait qu’ils ne lui en eussent jamais érigée. Les habitans de Tyndare ont jeté bas la statue de Verrès, et, pour le même motif, ils ont laissé le cheval sans cavalier. Les Léontins, quelque pauvre et misérable que soit leur ville, avaient placé une statue dans leur gymnase ; ils l’ont aussi renversée. Quant aux Syracusains, puis-je les citer seuls, puisque cette exécution ne fut pas seulement de leur fait, mais fut commune et aux citoyens romains établis dans leurs murs, et à toute la province ? Quelle affluence ! quelle multitude, m’a-t-on dit, y accourut de toutes parts, lorsqu’on abattit et renversa les statues de Verrès ! Et qu’on se représente le lieu où elles se trouvaient ; c’était le plus fréquenté de la ville comme le plus vénérable. Elles étaient