Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.7.djvu/85

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Middleton éclaircit encore mieux la question, en ajoutant que, « s’il y eut en effet quelque diminution dans l’amende, elle put se faire du consentement de toutes les parties, en faveur peut-être de la soumission de Verrès, et comme une sorte de compensation pour les embarras et les peines qu’elle épargnait à ses agresseurs. Il est sûr du moins que cette fameuse affaire, loin de jeter la moindre tache sur le caractère de Cicéron, servit au contraire à faire éclater plus que jamais son mérite et son intégrité, et que les Siciliens conservèrent une vive reconnaissance pour le service qu’il leur avait rendu. »

Quoi qu’il en soit, on ignore l’usage qui fut fait de la somme exigée de Verrès : il y a lieu de croire que la plus grande partie fut envoyée en Sicile. Les frais du procès, et les trésors qu’avait prodigués le coupable afin de corrompre les juges, ne le ruinèrent point, et il vécut toujours avec une sorte de magnificence. Sénèque le père nous apprend qu’il fut dans le cas d’éprouver l’obligeance de Cicéron, mais il n’indique point à quelle occasion[1]. Moins sensible à un bienfait récent qu’à ses anciennes injures, Verrès se réjouit de la fin tragique de son accusateur ; mais il fut à son tour proscrit par les triumvirs. Il s’avisa de refuser ses statues et sa vaisselle de Corinthe à Marc-Antoine ; on le mit sur les tables fatales, et il fut tué peut-être par les mêmes sicaires qui avaient frappé l’auteur des Verrines et des Philippiques.

Cicéron, après l’exil de Verrès, eut une grande célébrité. Les Siciliens lui donnèrent les marques les plus signalées de leur reconnaissance ; les nations étrangères et les alliés le proclamèrent le vengeur de leurs droits ; le peuple romain le remercia de son patriotisme. Toutefois la vigueur de Cicéron à poursuivre cette cause, et l’énergie avec laquelle il avait dénoncé les infamies judiciaires de l’ordre sénatorial, n’avaient pas inspiré à la noblesse des dispositions favorables pour lui.

Les cinq oraisons de la seconde action, pour n’avoir pas été prononcées, n’en sont pas moins belles ni moins instructives, ni par conséquent moins dignes de l’attention des amateurs de la véritable éloquence.

  1. In sequenti parte dixit, exorari solere inimicos, ipsum exoratum a Vatinio, C. quoque Verri affuisse. (Suasoriarum liber VI.)