Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/161

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après s’en être fait cent mille pour son compte (48). D’abord le maître, ignorant son désastre, se réjouira ; il sera enchanté de son régisseur qui lui aura procuré une si grande augmentation de revenu : mais ensuite, quand il saura que tous les objets nécessaires à la culture et à l’exploitation de son fonds ont été détournés et vendus, il punira l’économe avec la dernière rigueur, et reconnaîtra qu’il avait été fort mal servi. Ainsi, lorsqu’on entend dire qu’il a porté le bail des dîmes plus haut que ne l’avait fait C. Sacerdos, l’honnête magistrat à qui Verrès a succédé, le peuple romain croit qu’il a en lui, pour ses terres et pour ses récoltes, un gardien fidèle, un bon économe : mais, lorsqu’il apprendra que Verrès a vendu tous les instrumens de labourage et tout ce qui servait à la reproduction de nos revenus, que par sa cupidité il a détruit toute l’espérance de l’avenir, que tous les champs, toutes les exploitations de notre domaine, ont été par lui dévastés, épuisés, tandis que lui-même a fait un butin et des bénéfices immenses, alors le peuple reconnaîtra combien il a été mal servi, et jugera Verrès digne du plus rigoureux châtiment.

LI. Mais comment en juger par vous-mêmes ? En considérant que les terres soumises à la dîme dans toute la province de Sicile sont abandonnées, à cause de l’avarice de Verrès ; car non-seulement il est arrivé que le peu de laboureurs qui sont restés dans les campagnes ont employé moins de charrues, mais que même une foule de riches propriétaires, cultivateurs actifs et intelligens, ont déserté des champs vastes et fertiles, et ont laissé leurs exploitations totalement en friche. C’est un fait dont il est facile de s’assurer d’après les registres authentiques des villes ; car, d’après la loi d’Hiéron, les laboureurs sont tenus