Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/249

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ce qui a déjà été pratiqué par des magistrats recommandables. Ce que je lui reproche, c’est d’avoir, lorsque le blé valait en Sicile deux sesterces, comme lui-même, dans sa lettre, vous le déclare, Hortensius, et comme il a été prouvé antérieurement par toutes les dépositions et par les registres des laboureurs ; c’est d’avoir, dis-je, exigé d’eux trois deniers (76) par boisseau de froment. Voilà le délit dont je l’accuse. Il est donc bien entendu que son crime n’est pas d’avoir estimé le blé, ni même de l’avoir estimé trois deniers, mais d’avoir demandé, pour le prendre au taux de l’estimation, plus de grain qu’il n’en était dû.

xx LXXXII. Ce qui a pu introduire l’usage de cette estimation, juges, ce n’est pas l’avantage des préteurs ou des consuls, mais celui des cultivateurs et des villes. Il n’y a pas eu, dans l’origine, de magistrat assez effronté pour demander de l’argent au lieu du grain qui lui était dû. La proposition, certainement, n’a pu venir que du laboureur, ou de la ville qui devait fournir le blé : soit qu’ils eussent vendu leur grain, ou qu’ils voulussent le garder, ou s’épargner la peine de le transporter dans le lieu prescrit, ils ont demandé comme une faveur, comme un bienfait, de pouvoir payer, au lieu de blé, sa valeur en argent. Telle est l’origine de l’estimation : c’est la bonne volonté et la complaisance des magistrats qui en laissèrent l’usage s’introduire. Vinrent ensuite des magistrats plus avides. Leur cupidité y trouva non-seulement une source de richesses, mais un moyen d’autoriser leurs exactions. Ils désignèrent les lieux les plus éloignés et du plus difficile accès pour ordonner qu’on y amenât les blés, afin que la difficulté du transport leur fît obtenir l’estimation qu’ils désiraient. Cette super-