Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/283

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prenez garde que l’autorité de vos décisions ne lui ouvre une voie large et découverte. Oui, si vous approuvez le délit que je vous signale, et si vous jugez qu’il est licite de lever de l’argent sous un pareil prétexte, n’en doutez pas, ce que les plus pervers ont fait seuls jusqu’à ce jour, il n’y aura que les sots qui désormais ne le feront pas : car, si c’est un crime d’extorquer de l’argent contre les lois, c’est une sottise de négliger un profit que les tribunaux ont déclaré licite. Considérez ensuite, juges, quelle extrême licence vous allez donner aux magistrats concussionnaires. Si celui qui a exigé trois deniers par boisseau est acquitté, un autre en exigera quatre, cinq, dix, vingt même. Et qui pourra le blâmer ? À quel point la sévérité des juges commencera-t-elle à l’arrêter ? Quelle sera la somme de deniers qui lassera enfin votre tolérance ; et qui amènera, pour l’iniquité et la mauvaise foi de l’estimation, le moment de la répression ? Car ce n’est pas la somme, mais l’estimation ainsi exagérée que vous aurez approuvée ; et vous ne pouvez décider qu’à trois deniers elle soit légale, qu’à dix elle ne le soit plus. Dès qu’une fois ce taux, au lieu d’être réglé d’après le prix moyen du blé et la volonté des laboureurs, sera abandonné au caprice du préteur, ce ne sera plus la loi ni la raison, mais la cupidité et l’avarice des magistrats qui détermineront les bases de l’estimation.

xx XCV. Si donc, dans votre arrêt, vous vous écartez une fois des principes de l’équité et des dispositions de la loi, sachez que, pour l’estimation, vous ne laisserez plus de bornes à l’injustice et à la cupidité de nos magistrats. Voyez, d’après cela, combien de choses on vous demande à la fois. Renvoyez absous celui qui avoue qu’il a pris injustement des sommes énormes à nos