Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/31

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qui, au risque d’épuiser mes forces, dois, pour répondre aux désirs de ce même peuple, me charger du fardeau d’un si pénible ministère !

IV. Eh quoi ! d’autres considérations qui paraîtront moins puissantes ne pourraient-elles pas encore faire quelque impression sur nos esprits ? Ainsi la perversité et l’audace de Verrès trouvent dans votre cœur, Hortensius, et dans celui des autres nobles, un plus facile accès que notre vertu et notre probité, à nous tous tant que nous sommes. Vous haïssez le mérite des hommes nouveaux, vous dédaignez leur frugalité, vous méprisez leur pudeur, vous cherchez à étouffer leurs talens et à comprimer leur énergie. Verrès enfin vous est cher. Oui sans doute, à défaut de vertus, d’activité, de droiture, de pudeur, de chasteté, vous trouvez dans sa conversation, dans son érudition, dans son urbanité, quelque chose qui vous enchante. Rien de tout cela ; bien au contraire, on ne voit en lui que bassesse et turpitude, jointes à l’excès de la sottise et de l’ignorance. Pour un tel homme si la porte de vos maisons n’est jamais fermée, ne semble-t-elle pas s’ouvrir afin de demander le prix de cet accueil ? Aussi est-il adoré de vos portiers ; il l’est de vos valets-de-chambre, il l’est de vos affranchis, il l’est de vos esclaves et de vos servantes. Dès qu’il arrive, on l’annonce avant son tour, on l’introduit seul, tandis que les citoyens les plus vertueux se voient refuser la porte. D’où l’on peut conclure que toutes vos préférences sont pour ceux qui ont vécu de manière à ne pouvoir sans votre appui échapper à la rigueur des lois. Oui, tandis que nous vivons dans une telle médiocrité de fortune, que nous ne pouvons pas même songer à l’augmenter, lorsque nous soutenons notre dignité et les bienfaits du peuple romain, non par l’opulence, mais par la vertu, croyez-vous,