Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/323

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pendant la paix, et pendant la guerre, tous de caractères différens, je ne parle point de ceux qui furent intègres, désintéressés, scrupuleux, mais bien des plus cupides, des plus audacieux, aucun n’a été pourtant assez hardi, aucun n’a présumé assez de sa puissance ou des privilèges de sa noblesse pour oser demander, enlever ou toucher à rien de ce que renfermait cet oratoire. Et Verrès emportera tout ce qu’il y a de beau, en quelque lieu qu’il le trouve ! Nul autre que lui n’en aura désormais la possession, et tant de maisons opulentes iront s’engloutir dans la maison de cet homme ! Ainsi tous ses prédécesseurs n’avaient épargné tant de chefs-d’œuvre que pour que Verrès vînt s’en emparer ! Ainsi C.Claudius Pulcher ne les avait rendus que pour que Verrès pût les emporter ! Mais ce Cupidon ne demandait pas l’infâme demeure d’un débauché, ni une école de prostitution : il se trouvait bien dans cet oratoire héréditaire ; il savait qu’Heius l’avait reçu de ses ancêtres parmi les objets sacrés dépendant de leur succession ; il n’était point jaloux d’appartenir à l’héritier d’une courtisane (12).

Mais pourquoi cette sortie véhémente ? D’un seul mot Verrès va me confondre. J’ai acheté, dit-il. Dieux immortels ! l’admirable moyen de défense ! un marchand avec le pouvoir militaire et les faisceaux, voilà donc ce que nous avons envoyé dans une de nos provinces, pour que, statues, tableaux, argent, or, ivoire, perles, tout fût acheté par lui, et qu’il ne laissât rien à personne ! Car, je le vois, à toutes mes attaques il va opposer ce rempart : J’ai acheté. Mais, d’abord, quand, me prêtant à vos désirs, je conviendrais avec vous que vous avez acheté, puisque, sur tout cet article, c’est la seule défense que vous prétendiez employer, je vous le demande, quelle idée vous êtes-vous formée des tribunaux de Rome, si