Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/329

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à voir ces fameux artistes que les connaisseurs élèvent jusqu’au ciel, rabaissés à ce point par l’estimation de Verrès. Un Cupidon de Praxitèle, seize cents sesterces (16). Assurément c’est de là qu’est venu ce proverbe : J’aime mieux acheter que demander.

xx VII. On va me dire : Mais vous mettez donc un bien haut prix à toutes ces futilités ? Je ne prends ici pour base de mon estimation, ni l’idée que j’en ai, ni l’usage que j’en puis faire. Mais je crois, juges, que vous devez priser ces objets en raison de la valeur qu’y attachent ceux qui en sont curieux ; en raison de ce qu’on les paie ordinairement, de ce qu’on les paierait dans une vente publique et non forcée, enfin de ce qu’ils valent aux yeux de Verrès. Jamais assurément, s’il n’eût estimé ce Cupidon que quatre cents deniers (17), il ne se serait exposé pour une semblable bagatelle aux propos du public et à de si honteux reproches. Qui de vous ignore à quel prix montent les objets de ce genre ? N’avons-nous pas vu dans une enchère vendre une statue d’airain assez petite, cent vingt mille sesterces (18) ? Si je voulais nommer certaines personnes qui les ont payés, et ce même prix et plus cher encore, la chose me serait facile ; car ce sont des objets de fantaisie dont le prix se mesure au désir de les avoir : le prix n’a point de bornes quand la passion n’en a pas. Il est donc évident que de la part d’Heius, ni la volonté, ni l’embarras de ses affaires, ni la grandeur de la somme n’ont pu le déterminera vendre ses statues ; il est évident que, dans cet achat simulé, vous avez employé la force, les menaces, le pouvoir et les faisceaux, pour enlever, pour arracher ces monumens à un homme que le peuple romain n’avait pas seulement soumis à votre autorité, mais qu’il avait confié à votre protection, ainsi que le reste de nos alliés.