Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/363

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voir enlever, en restant chez lui, de pareils chefs-d’œuvre. À la nouvelle de ce départ, il s’opéra un tel bouleversement dans la tête du préteur, que tout le monde le crut, non pas seulement fou, mais furieux. Parce qu’il n’avait pu voler les vases de Diodore, il criait sans cesse que celui-ci lui avait emporté des vases du plus grand prix ; il menaçait Diodore, il vociférait publiquement contre lui ; on vit même des larmes couler de ses yeux. Nous lisons dans la fable qu’à la vue d’un collier d’or, et, si je ne me trompe, enrichi de pierreries, Eriphyle fut saisie d’une si violente tentation, que, pour l’obtenir, elle trahit et sacrifia son époux. Voilà l’image de la cupidité de Verrès ; elle est même plus furieuse et plus déraisonnable encore ; car enfin ce qu’Eriphyle désirait, elle l’avait vu : mais sa convoitise à lui s’allumait, non par la vue des objets, mais sur des ouï-dire.

xx XIX. Il fait chercher Diodore par toute la province ; mais Diodore avait décampé, non sans emporter ses vases (45). Notre homme, pour le forcer à revenir, imagine cet expédient ou plutôt cette extravagance. Il aposte un de ses limiers pour répandre le bruit qu’un procès criminel va être intenté à Diodore de Malte. D’abord la surprise fut générale : Diodore accusé ! un homme si paisible, si peu fait pour être soupçonné, je ne dis pas d’un crime, mais même de la faute la plus légère ! Bientôt on reconnut que toute cette intrigue n’avait d’autre motif que ses vases d’argent. Verrès n’hésite point à recevoir la dénonciation, et c’est, je crois, la première qu’il ait admise contre un absent. Il fut dès-lors reconnu dans toute la Sicile, que, pour être traduit en justice, il suffisait d’avoir des vases ciselés qui excitassent la cupidité