Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/373

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surance, pas un seul. Quel monstre, grands dieux ! quel fléau avons-nous envoyé dans cette province ! Ne diriez-vous pas qu’il s’était proposé, non point seulement de satisfaire ses fantaisies et sa propre curiosité, mais d’assouvir, quand il serait de retour à Rome, les goûts extravagans de tout ce que nous avons de gens avides ? Arrivait-il dans une ville, aussitôt ses deux limiers cibyrates étaient lâchés ; ils se mettaient en quête, furetaient partout. S’ils découvraient quelque grand vase, quelque ouvrage de prix, ils le rapportaient, pleins de joie. Quand la chasse était moins heureuse, ils ne laissaient pas de revenir avec quelques menues pièces de même gibier, telles que des plats, des coupes, des cassolettes (49). Figurez-vous les pleurs que répandaient les femmes, les cris lamentables qu’elles faisaient entendre, comme c’est leur usage en pareil cas. Peut-être ces larcins vous semblent-ils de peu d’importance ; mais c’est toujours avec le sentiment d’une vive et poignante douleur que les femmes surtout se voient arracher des mains ces objets révérés dont elles se servent pour leurs sacrifices, qu’elles ont reçus de leurs pères, et qui de tous temps ont appartenu à leur famille.

XXII. Ici, juges, n’attendez pas que je le poursuive de porte en porte, que je vous le montre enlevant un calice à Eschyle de Tyndare, un plat à Thrason de la même ville, un encensoir à Nymphodre d’Agrigente. Quand je ferai paraître les témoins venus de Sicile, il pourra choisir celui qu’il voudra, pour que je l’interroge au sujet des plats, des calices, des encensoirs ; vous verrez qu’il n’y a pas une seule ville, je dis plus, une seule maison un peu opulente, qui ait été à l’abri de ses rapines. Venait-il à un repas, dès qu’il apercevait quelques