Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/407

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d’être asservis à leurs compatriotes ou de vivre sous la dépendance du peuple romain, puisque le même monument attestait et la cruauté des tyrans siciliens, et la douceur de notre empire.

xx XXXIV. À la même époque, la Diane dont nous parlons fut soigneusement rendue aux Ségestains. Elle fut ramenée en triomphe, et replacée dans son antique sanctuaire, au milieu des acclamations et des transports de toute la population. Sur le piédestal fort élevé qui la soutenait, une inscription en gros caractères portait le nom de Scipion l’africain, et rappelait qu’après la prise de Carthage, il avait rendu la statue. Les habitans l’honoraient d’un culte religieux, tous les étrangers l’allaient voir ; et pendant ma questure ce fut la première chose que les Ségestains s’empressèrent de me montrer. Cette statue, colossale et très-élevée, était revêtue d’une robe flottante ; on distinguait néanmoins en elle les traits délicats et le maintien d’une vierge : un carquois pendait sur ses épaules ; de la main gauche elle tenait son arc, et de la droite un flambeau ardent.

À peine cet ennemi de toute religion, ce ravisseur des choses sacrées, l’eut-il aperçue, on eût dit que la déesse l’avait tout à coup frappé de son flambeau (63), tant il parut enflammé du désir, que dis-je ? de la fureur de la posséder. Il commande aux magistrats de l’enlever du piédestal et de la lui donner, ajoutant que rien au monde ne peut lui être plus agréable. Ceux-ci répondent qu’ils ne le peuvent sans crime ; qu’ici la crainte des lois et des tribunaux les retient, aussi bien que la crainte des dieux. Verrès insiste : sollicitations et menaces, l’espérance et la crainte,