Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/43

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vous avez osé, sans l’ordre du sénat et du peuple, au mépris des réclamations de toute la Sicile, au risque évident de diminuer, d’anéantir nos revenus, annuler entièrement la loi d’Hiéron!

Et quelle est donc la loi, juges, qu’il a réformée, ou plutôt tout-à-fait abolie ? La loi la plus sage, la plus habilement conçue, qui met le laboureur tellement sous la dépendance du décimateur, que, soit qu’il récolte, soit qu’il batte, ou qu’il serre le grain, soit qu’il le déplace ou le transplante au loin, il lui est impossible de frauder sans s’exposer à des peines sévères. La loi est rédigée avec tout le soin d’un législateur qui n’aurait pas eu d’autres revenus, avec toute la sagacité d’un Sicilien, avec toute la rigueur d’un tyran. Et cependant les laboureurs siciliens ne sauraient en désirer de plus avantageuse, car les droits du décimateur y sont si positivement établis, qu’il ne peut exiger forcément des laboureurs rien au delà du dixième.

Malgré la sagesse de ces dispositions, il s’est trouvé un Verrès qui, après tant d’années et tant de siècles, s’est permis, je ne dis pas seulement de les modifier, mais de les abolir ; qui, de règlemens établis pour la sûreté des alliés et l’intérêt de la république, a fait surgir pour lui une source de profits infâmes ; qui le premier a donné les dîmes à bail à de prétendus décimateurs, qui n’étaient effectivement que les agens et les satellites de son odieuse cupidité. Par eux la Sicile, et je le ferai voir, a été, pendant les trois années de sa préture, tellement opprimée, dévastée, que pour relever cette province il nous faudra une longue suite d’années avec des magistrats aussi intègres qu’habiles.