Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/451

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XLIX. L’ancienneté de cette tradition, ces lieux, où l’on retrouve quelques traces, et peut-être même le berceau de ces deux divinités, inspirent à tous les habitans, à toutes les villes de la Sicile, la dévotion la plus fervente pour la Cérès d’Enna. De fréquens prodiges attestent la présence et le pouvoir de cette déesse ; et plus d’une fois on l’a vue, dans des circonstances critiques, donner elle-même des marques signalées de sa protection. Enfin l’on peut dire que, non-seulement elle aime cette île, mais qu’elle se plaît à l’habiter et à veiller elle-même à sa sûreté.

Ce ne sont pas les Siciliens seuls, mais tous les peuples, toutes les nations, qui rendent à la Cérès d’Enna un culte particulier. Si l’on court avec tant d’empressement pour se faire initier aux mystères que les Athéniens célèbrent en son honneur, parce que, dit-on, dans sa course errante, elle visita leur pays et leur apporta le blé, quelle vénération doit avoir pour Cérès un peuple chez lequel tout démontre qu’elle a pris naissance et inventé l’agriculture! Aussi, du temps de nos pères, sous le consulat de P. Mucius et de L. Calpurnius (75), dans ces jours de sang et de calamités, où, après le meurtre de Tiberius Gracchus, des prodiges menaçans firent craindre les plus grands malheurs, on consulta les livres sibyllins, et l’on y trouva que l’on devait apaiser l’ancienne Cérès. Alors des prêtres furent choisis dans l’auguste collège des décemvirs, et, quoique la déesse eût dans notre ville un très-beau et très-magnifique temple, ils ne laissèrent pas d’être envoyés à Enna. Car telles étaient alors la sainteté et l’ancienneté de son culte, qu’en partant pour cette ville, on croyait aller visiter, non le temple de Cérès, mais la déesse elle-même.