Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/453

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Je ne fatiguerai pas plus long-temps votre attention, car je crains de ne m’être déjà que trop écarté des formes judiciaires et du style ordinaire d’un plaidoyer. Je dis donc que C. Verrès a fait enlever de son temple et de la résidence qu’elle avait choisie, cette même Cérès, la plus ancienne et la plus révérée que l’on connaisse, celle qui est la source primitive du culte reçu chez tous les peuples de l’univers. Vous tous qui avez fait le voyage d’Enna, vous avez remarqué, dans deux temples différens, deux statues de marbre, l’une de Cérès et l’autre de Proserpine. Elles sont colossales et fort belles, quoique assez modernes. Il y en avait une autre en bronze, d’une grandeur médiocre, mais d’un travail admirable, représentant Cérès avec des flambeaux. Elle était très-ancienne, la plus ancienne même de toutes celles qui sont dans ce sanctuaire ; Verrès s’en est emparé, et cependant ce vol ne l’a pas satisfait. Vis-à-vis le temple, dans une place découverte et très-spacieuse, s’élèvent deux statues, l’une de la déesse et l’autre de Triptolème, également belles et colossales. Leur beauté les mettait en danger ; mais, grâce à la double difficulté du déplacement et du transport, leur grandeur les sauva. Dans la main droite de Cérès, était une Victoire admirablement travaillée. Par ordre de Verrès, elle fut arrachée à la statue et emportée chez lui.

L. Quel sentiment doit lui faire éprouver la récapitulation de ses crimes, lorsque moi-même je ne puis les retracer sans que mon cœur se trouble, sans que je frémisse de tout mon corps. Je me représente la sainteté du temple, du lieu, du culte qu’il a profané ; oui, il est encore présent à mon esprit ce jour où, comme j’entrais dans Enna, je vis les prêtresses de Cérès s’avancer au