Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/497

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voulut pas appuyer de son témoignage L. Lucullus (100), son beau-frère, avec qui il vivait en parfait accord ; on le voyait, lui, l’héritier de ce beau nom, employer la violence et les menaces pour extorquer aux villes des éloges en faveur d’un homme qui lui était tout-à-fait étranger.

Lorsque j’eus compris que les dernières lettres qu’il avait reçues, lettres non de recommandation, mais de change, l’avaient entièrement gagné, j’allai, d’après le conseil des Syracusains, m’emparer des registres où tous les faits étaient consignés. Mais voici bien une nouvelle contrariété, une autre querelle ; car il ne faut pas croire que Verrès soit dans Syracuse sans hôtes et sans amis, ni absolument dépourvu de secours et d’appuis. Un certain Théomnaste s’avisa de me prendre des mains le registre. C’est une espèce de fou ridicule, que les Syracusains ont surnommé Théoracte (101) ; il est si fou, que les enfans le suivent dans les rues, et il ne peut ouvrir la bouche sans exciter des éclats de rire. Sa folie, assez gaie pour les autres, ne laissa pas d’être pour moi très-inquiétante. La bouche écumante, les yeux étincelans, il criait d’une voix effroyable que je lui faisais violence. Nous arrivons, ainsi groupés, devant le tribunal du préteur.

Là je demande qu’il me soit permis de sceller le registre et de l’emporter. Théomnaste s’y oppose ; il prétend que le sénatus-consulte est nul, puisqu’on en a fait appel au préteur ; il soutient qu’il ne doit pas m’être remis. Je fais lecture de la loi qui m’autorise à me faire remettre tous registres et pièces. Mon homme insiste avec emportement : Nos lois, dit-il, ne le regardent pas. Le préteur, en magistrat éclairé, prononce qu’il ne consent point que j’emporte à Rome un sénatus-consulte qui n’est pas