Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

juges ni commissaires parmi nos Romains établis en Sicile. A l’entendre, les décimateurs trouvaient des ennemis dans tous ceux qui possédaient un pouce de terre. Il fallait donc aller plaider contre Apronius devant des hommes encore à moitié ivres des orgies d’Apronius.

XII. Ô juridiction respectable et vraiment digne de mémoire ! ô rigoureux édit ! ô refuge assuré pour les laboureurs ! Et pour que vous vous fassiez une idée et du mode de ces procédures tendant à la restitution de huit fois la somme, et des commissaires qu’il choisissait parmi son cortège, donnez-moi, je vous prie, quelque attention. Quel est, pensez-vous, le décimateur qui, se voyant autorisé à prendre chez le laboureur tout ce qu’il demanderait, n’a pas demandé plus qu’il ne lui était dû ? Considérez, en y réfléchissant, qui s’en serait abstenu, surtout lorsqu’il aurait pu outrepasser ses droits, non seulement par cupidité, mais encore par mégarde : il est impossible qu’il n’y en ait pas eu beaucoup dans ce cas. Je vais plus loin : je soutiens que tous ont perçu plus, et beaucoup plus que le dixième. Nommez-moi un seul décimateur qui, pendant les trois années de votre préture, ait été condamné à restituer huit fois la somme ; que dis-je, condamné ? nommez-en un seul qu’on ait actionné en vertu de votre édit. Sans doute il n’y avait aucun laboureur qui eût à se plaindre qu’on lui eût fait une injustice, aucun décimateur qui se fût permis d’exiger une obole au delà de ses droits. Rien de plus vrai pourtant que partout Apronius prenait, emportait ce qui était à sa convenance. De tous côtés les laboureurs, dépouillés, tyrannisés, faisaient entendre leurs plaintes ; et cependant on ne pourrait citer aucun jugement contre lui. Qu’est-ce à dire ? tant d’hommes fermes, pleins d’hon-