Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.9.djvu/109

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dien, le défenseur d’une importante province, passer sa vie dans des festins, avec des femmes dissolues, sans autres hommes que lui et son fils encore adolescent : pourquoi n’ai-je pas dit sans hommes ? car cette exception leur fait trop d’honneur. Seulement l’affranchi Timarchide était parfois admis. Ces femmes étaient mariées et de nobles familles, excepté une fille du comédien Isidore, que Verrès, épris d’amour pour elle, avait enlevée à un joueur de flûte rhodien. Quant aux autres, c’était une Pippa, épouse du Syracusain Eschrion, fameuse dans toute la Sicile par une infinité de chansons sur son intrigue galante avec le préteur ; c’était une Nicé, dont on vante la beauté, et qui est la femme du Syracusain Cléomène. Son mari l’aimait éperdument ; mais il n’avait ni le pouvoir ni le courage de traverser les amours de celui qui l’avait enchaîné par tant de libéralités et de faveurs. Toutefois Verrès, malgré l’impudence que vous lui connaissez, sentait bien que, sans une sorte de scrupule et de contrainte, le mari étant à Syracuse, il ne pouvait garder la femme auprès de lui durant tant de jours dans sa volupteuse retraite. Il imagina donc un expédient singulier. Il dépouilla son lieutenant du commandement de la flotte, pour le donner à Cléomène ; oui, juges, la flotte du peuple romain, c’est Cléomène, un Syracusain, qui va la commander ; ainsi le veut, ainsi l’ordonne Verrès. Son but était non-seulement d’éloigner un mari en l’envoyant sur mer, mais de lui rendre son éloignement agréable, en lui donnant une mission honorable et lucrative. Pour sa part, le préteur se ménageait la facilité de vivre avec la femme, non pas plus librement qu’auparavant (car ses passions ont-elles jamais connu la contrainte ? ), mais sans aucune apparence de gêne, en écartant Cleomène, moins