Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.9.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contre un citoyen romain ! Pardonnez-le-moi, juges ; ce sera le seul attentat de cette espèce dont je rechercherai le motif. Qu’avait donc fait Servilius ? Il s’était expliqué un peu librement sur la perversité de Verres et sur sa vie infâme. Aussitôt Verrès le fait citer par un esclave de Vénus à comparaître à Lilybée. Servilius obéit. Quoiqu’il n’existât contre lui ni action ni demande, le préteur veut qu’il consigne deux mille sesterces (86), qui resteront au profit du premier licteur, s’il ne se disculpe point d’avoir dit que Verres s’était enrichi de rapines. En même temps il déclare que l’affaire sera jugée par des commissaires tirés de sa suite. Servilius les récuse ; et, puisque personne ne l’accuse, il supplie le préteur de ne point le livrer à des juges qui ne pourraient être sans partialité. Comme il insistait avec beaucoup de chaleur, les six licteurs (87) l’entourent, hommes très-robustes et très-exercés à battre les gens. Ils le frappent à coups redoublés. Ce n’est pas assez. Le premier licteur, Sestius, dont j’ai parlé souvent, retourne son faisceau, et lui en assène avec force des coups sur le visage. Le malheureux avait la bouche et les yeux pleins de sang ; il tombe ; les bourreaux le voient étendu sur la terre, et ils ne continuent pas moins de lui meurtrir les flancs, afin de lui arracher la promesse de consigner. Dans cet état horrible, on l’emporte comme mort ; bientôt après il n’était plus. Cependant notre pieux adorateur de Vénus, l’aimable et galant Verrès, fit prendre sur les biens de Servilius de quoi faire un Cupidon d’argent massif, qu’il plaça dans le temple de la déesse ; car c’était toujours aux dépens des honnêtes gens qu’il acquittait les vœux de ses orgies nocturnes.

LV. Mais à quoi bon rappeler en détail les supplices