Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.9.djvu/189

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qui, la tête voilée (100), furent conduits au fatal poteau, sous le nom de pirates et de captifs ? Quelle était cette précaution nouvelle ? qui vous l’a fait imaginer ? Les Cris d’indignation jetés par L. Flavius et par tant d’autres romains, au sujet de L. Herennius, vous avaient-ils effrayé ? La haute considération du vertueux M. Annius vous rendait-elle plus réservé et plus timide ? Nous l’avons en effet entendu déposer naguère que ce n’était point un aventurier, que ce n’était point un étranger, mais bien certainement un citoyen romain, un citoyen connu de tous les Romains établis à Syracuse, un citoyen né dans cette ville, qui, par votre ordre, avait eu la tête tranchée.

Ces bruyantes réclamations de ces différens témoins, ces cris d’indignation, ces plaintes qui s’élevaient de toutes parts, rendirent Verrès non pas moins cruel, seulement il devint plus circonspect. Dès ce moment, ce fut la tête voilée que les citoyens romains furent conduits au supplice ; mais il n’en continua pas moins à les faire exécuter publiquement, parce qu’il y avait, comme je l’ai dit, beaucoup de personnes dans la ville qui tenaient un compte très-exact des pirates suppliciés. Voilà donc le sort qui, sous votre préture, attendait le peuple romain ! voilà donc la perspective assurée à nos négocians : les tourmens et la mort ! Les négocians n’ont-ils pas assez à redouter les coups de la fortune, sans que nos magistrats, dans nos provinces, fassent peser la terreur sur leurs têtes ? Était-ce donc là le sort que méritait la Sicile, cette province si voisine de Rome, et si fidèle, peuplée de nos alliés les plus utiles, de nos citoyens les plus honorables, et qui toujours nous accueillit avec tant d’affection ? Fallait-il que des négocians qui revenaient