Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.9.djvu/215

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doive la faire rejeter, la confiance de l’accusé, toute mal fondée qu’elle est, et son insigne effronterie, semblent la rendre nécessaire. Si donc il se commet ici quelque prévarication, la cause de Verrès sera portée ou devant le peuple romain, qui déjà l’a trouvé indigne d’être jugé dans les formes ordinaires (113), ou devant des juges qui, en vertu de la nouvelle loi, seront chargés de prononcer sur les prévarications de leurs prédécesseurs.

LXX. Est-il besoin de le dire ? qui ne sent pas jusqu’où je serai forcé d’approfondir cette affaire ? Me sera-t-il permis de me taire, Hortensius ? pourrai-je dissimuler la plaie qu’un tel jugement aura faite à la république, lorsque je verrai que, malgré mes poursuites, un brigand aura impunément pille les provinces, opprimé les alliés, spolié les dieux immortels, torturé, assassine les citoyens romains ? Pourrai-je déposer, après un pareil jugement, l’honorable tache qui m’a été confiée, ou en demeurer chargé plus long-temps sans élever la voix ? Comment ne pas demander raison de cette iniquité ? ne serait-ce pas mon devoir de la mettre en évidence, de réclamer la justice du peuple romain, d’appeler, de traduire devant son tribunal tous ceux qui auront eu l’indignité de se laisser corrompre ou de corrompre eux-mêmes les juges ?

On me dira peut-être : Songez à combien de travaux, à combien de haines vous allez vous exposer. Il n’est assurément ni dans mon goût, ni dans mon intention de les provoquer ; mais je n’ai point les privilèges de ces nobles que tous les bienfaits du peuple romain viennent chercher au milieu de leur sommeil (114) : simple citoyen, il me faut, dans ce rang modeste, suivre des principes bien différens. L’exemple de M. Caton, ce sage par excellence, est sans