Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.9.djvu/325

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XXIII. J’arrive maintenant à votre moyen principal : Je ne V ai pas chassé, puisque je ne l’ai pas laissé approcher. Sans doute, Pison, vous sentez vous-même combien cette défense l’emporte en faiblesse, en absurdité sur celle-ci : Ils n’étaient pas armés, car ils avaient des bâtons et des pierres. Certes, si, tout médiocre orateur que je suis, j’avais le choix de soutenir, ou qu’un homme n’a pas été chassé quand la violence et les armes l’ont empêché d’approcher, ou que des hommes n’étaient pas armés quand ils n’avaient ni boucliers ni épées, ces deux propositions me sembleraient tout-à-fait insoutenables et puériles : cependant l’une des deux, ce me semble, me fournirait quelque chose à dire, quand j’essaierais de prouver qu’on n’était pas armé lorsqu’on n’avait ni épées ni boucliers ; au lieu que je serais fort empêché de démontrer qu’on n’a pas été chassé lorsqu’on a été repoussé et mis en fuite.

Mais la partie de votre plaidoyer qui m’a le plus étonné, c’est celle où vous avancez que l’opinion des jurisconsultes ne doit pas faire autorité. Ce n’est pas la première fois, ce n’est pas dans cette cause seule, que j’ai entendu émettre ce paradoxe ; mais je ne vois point pourquoi vous tenez un tel langage. En effet, ce moyen de défense n’est ordinairement employé que par ceux qui, dans une cause, pensent avoir à défendre quelque chose de juste et de bon en soi. Mais, quand on a affaire à des gens qui disputent sur les mots et les syllabes, et, comme on dit, selon la rigueur de la lettre, on est accoutumé d’opposer à leur mauvaise foi les principes sacrés de la justice et de l’honnêteté. C’est alors qu’on se moque de toutes ces formules de chicane (48) ; alors on déverse la honte sur cette affectation de termes subtils et de captieuses disputes sur une lettre de plus ou de moins ; alors on s’écrie que les juges doivent