Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.9.djvu/329

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dans les procès, le droit civil ne doit pas toujours prévaloir. Si les défenseurs de cette opinion tiennent pour mauvaises les décisions des jurisconsultes, ce n’est point contre le droit civil, mais contre l’ignorance de certains hommes, qu’ils doivent s’élever. S’ils conviennent, au contraire, que ces décisions sont bonnes, s’ils prétendent qu’on doive juger autrement, ils provoquent donc de mauvais jugemens ; car, dans cette hypothèse, il est contre l’équité que le jugement diffère de la décision, et qu’on soit regardé comme un habile jurisconsulte, lorsqu’on décide comme un point de droit ce qui ne mérite pas d’être confirmé par un jugement. Mais le jugement a quelquefois été contraire à la décision. Et d’abord, était-il juste ou non ? S’il était juste, il était conforme au droit ; s’il ne l’était pas, il est aisé de voir sur qui, des juges ou des jurisconsultes, le blâme doit retomber. Si c’est un point de droit douteux qu’on a jugé, on n’a pas plus jugé contre le sentiment des jurisconsultes, en prononçant contre celui de Scévola, que jugé selon leur décision, eu adoptant celle de Manilius (49). En effet, Crassus lui-même, plaidant devant les centumvirs, ne s’est pas élevé contre les jurisconsultes, mais il a fait voir que la défense de Scévola n’était pas conforme au droit, et il a défendu sa cause non-seulement par la puissance du raisonnement, mais par l’autorité même de Q. Mucius, son beau-père, et de plusieurs hommes très-éclairés.

XXV. Méconnaître l’autorité du droit civil, c’est nuire à l’intérêt général, c’est renverser à la fois les fondemens de la justice et de la société ; blâmer les interprètes du droit civil quand ils font preuve d’ignorance en cette matière, c’est rabaisser les personnes et non pas le droit civil. Mais soutenir qu’il ne faut pas déférer à l’opinion