Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.9.djvu/57

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mais celles des autres, dieux ! quel homme il devint ! que de places, que de barrières élevées par la pudeur tombèrent devant sa vigueur et son audace ! Mais qu’ai-je besoin de publier ces turpitudes ? Dois-je, pour révéler sa honte, flétrir ceux qui l’ont partagée ? Loin de moi cet affligeant tableau ! Non, juges, je ne vous décrirai point ses anciennes prouesses. Seulement, parmi les faits récens, j’en choisirai deux, qui, sans compromettre aucune famille, suffiront pour vous donner une idée de tous les autres. Le premier est si notoire, si public, que, de tous les habitans de nos villes municipales qui vinrent pour quelque procès à Rome sous le consulat de L. Lucullus et de M. Cotta, aucun, quelque peu clairvoyant qu’il fût, n’a été sans savoir que le préteur de Rome ne prononçait point d’arrêt sans avoir reçu l’assentiment et pris l’ordre de la courtisane Chélidon. Le second fait, c’est qu’après être sorti de nos murs en costume de général, après avoir prononcé les vœux solennels pour le succès de son administration et pour la prospérité de la république, Verrès, au mépris des lois, au mépris des auspices (25), au mépris de tout ce que le ciel et la terre ont de plus sacré, rentrait chaque nuit en litière dans Rome, rappelé par sa passion adultère auprès d’un femme qui, l’épouse d’un seul, se donnait à tout le monde.

XIV. Dieux immortels ! combien les hommes diffèrent entre eux de principes et d’intentions ! Puissent les sentimens qui m’animent, puissent mes espérances obtenir votre approbation, juges, et celle de tous mes concitoyens, s’il est vrai que le peuple romain ne m’a confié encore aucune magistrature que je n’aie pris en l’acceptant l’engagement sacré d’en remplir les devoirs. Quand je fus nommé questeur, je vis dans cette dignité, non