Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.9.djvu/89

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c’était pendant les incursions des pirates, au milieu des alarmes de sa province, que cet homme extravagant commettait si ouvertement ces infamies à la vue de toute la province et à la connaissance des pirates eux-mêmes. Ainsi, grâce à son insatiable avarice, ce qu’on appelait la flotte sicilienne n’était réellement qu’un ramas de navires sans équipage, instrument de piraterie pour le préteur, et non de crainte pour les pirates. Cependant P. Césetius et P. Tadius (54), qui tenaient la mer avec dix bâtimens ainsi mal équipés, amenèrent, plutôt qu’ils ne prirent, un corsaire tellement chargé de butin, que, s’ils ne s’en étaient pas emparés, il aurait coulé à fond. Ils y trouvèrent des jeunes gens de la plus belle figure, de l’argenterie, du numéraire, des étoffes précieuses. Ce fut, je le répète, non pas la seule prise, mais la seule rencontre que fit notre flotte dans les eaux de Mégaris, non loin de Syracuse. Dès que la nouvelle en fut portée à Verrès, quoiqu’il reposât sur le rivage, plongé dans l’ivresse et entouré de ses femmes, il se leva tout aussitôt, et, sans perdre de temps, il dépêcha plusieurs de ses gardes à son questeur et à son lieutenant, avec ordre de lui représenter tout le butin bien entier et sans rien détourner.

Le navire entre dans le port de Syracuse. Tout le monde est dans l’attente : on croit que les prisonniers vont être exécutés. Lui qui dans cette affaire voyait, non pas une capture de brigands, mais une proie bonne à garder, ne déclare ennemis que les vieillards et les gens, difformes. Quant à ceux qui avaient de la figure, de la jeunesse et des talens, il les met tous de côté. Il en donne quelques-uns à ses secrétaires, à son fils et à ceux de sa suite, et envoie les musiciens à Rome, pour en gratifier un de