Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.9.djvu/97

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enjoignit aux habitans de Centorbe de le bien nourrir, et de lui procurer libéralement toutes les douceurs et toutes les commodités qu’il pouvait désirer.

XXVIII. Cependant les Syracusains, gens d’esprit et de bon sens, capables d’apprécier non-seulement ce qui était sous leurs yeux, mais de deviner ce qu’on leur cachait, tenaient journellement compte des pirates dont la hache faisait tomber la tête, et jugeaient de la quantité qu’il devait y en avoir par la grandeur du bâtiment et le nombre de ses rames. D’un autre côté, Verrès avait mis à part ceux qui avaient des talens et de la figure. Il prévit que si, conformément à l’usage, il faisait exécuter les autres tous ensemble, un cri général s’élèverait quand le peuple reconnaîtrait que plus de la moitié avaient été soustraits à la vindicte publique : il prit donc le parti de les envoyer à la mort les uns après les autres. Malgré ces précautions, il n’y eut, parmi les nombreux habitans de Syracuse, personne qui ne connût assez exactement le nombre des pirates, pour ne pas s’apercevoir qu’il en manquait beaucoup ; et chacun demanda, exigea hautement leur supplice. Que fit cet homme abominable ? À la place des pirates qu’il s’était réservés, et c’était le plus grand nombre, il substitua les citoyens romains dont il avait auparavant rempli la prison. À l’entendre, c’étaient ou des soldats de Sertorius qui, fuyant de l’Espagne, étaient venus descendre en Sicile, ou d’autres individus qui, naviguant pour le commerce ou pour tout autre motif, étaient tombés au pouvoir des pirates, et s’étaient associés volontairement à ces brigands : il prétendait en avoir la preuve. Des citoyens romains furent donc conduits au fatal poteau : les uns la tête voilée, pour qu’on ne les reconnût pas ; les autres, quoiqu’ils