Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.9.djvu/99

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fussent en effet reconnus par une infinité de citoyens romains, qui prirent leur défense, n’en furent pas moins exécutés. Toutefois je parlerai de leur mort cruelle, de leurs horribles souffrances, lorsque je traiterai cet odieux sujet ; et si, au milieu des plaintes que je ferai retentir contre la barbarie de Verrès et contre le meurtre exécrable de tant de citoyens romains, mes forces et même ma vie venaient à m’abandonner, je serais heureux et fier d’une telle destinée. Voilà donc cette belle expédition, cette éclatante victoire ! Un brigantin capturé sur les pirates, leur chef mis en liberté ; des musiciens envoyés à Rome ; plusieurs jeunes hommes doués d’une belle figure et de quelque talent, conduits dans la maison du préteur ; puis, à leur place et en nombre pareil, des citoyens romains torturés, suppliciés comme des ennemis ; enfin toutes les étoffes, tout l’or, tout l’argent provenant de cette prise, saisis et détournés à son profit.

XXIX. Voyez comme il s’est enlacé lui-même dans la première action ! Après un silence de dix jours, il s’éleva tout à coup contre le témoignage de M. Annius, personnage fort distingué, qui avait déclaré qu’un citoyen romain avait péri sous la hache, et non point le chef des pirates. Ce fut sans doute le sentiment du remords et la noire fureur où le plongeait le souvenir de tant d’actes tyranniques, qui firent sortir Verrès de son apathie. Il dit que, se doutant bien qu’on l’accuserait d’avoir reçu de l’argent pour ne point envoyer au supplice le véritable chef de pirates, il ne lui avait pas fait trancher la tête ; il ajouta qu’il avait deux chefs de corsaires dans sa maison.

Ô clémence ! ou plutôt ô patience incroyable du peuple romain ! un citoyen romain a péri sous la hache ; c’est un chevalier romain, c’est Annius qui l’atteste, et vous gardez