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DE LA NATURE DES DIEUX, LIV. II.

qui rendait irrégulière la création des consuls. Les augures le firent savoir au sénat ; le sénat fut d’avis que les consuls se démettraient de leur charge ; ils s’en démirent. Que nous faut-il de plus ? Gracchus, homme très-sage, et le plus habile de la terre nous procurent, c’est la seconde. La troisième, les objets qui nous effraient, foudres, tempêtes, orages, neiges-, grêles, calamités, pestes, tremblements de terre, souvent accompagnés de grands bruits. Ajoutons : pluies de cailloux, peut-être que nous eussions, aima mieux déclarer et comme mêlées de gouttes sanglantes ; abîmes une faute qui pouvait n’être jamais connue, que de laisser à la république un sujet de scrupule. Des consuls se dépouillèrent a l’heure même de la puissance souveraine, plutôt que de la retenir un instant contre l’ordre de la religion. Voilà les augures dans un grand crédit. Et l’art des aruspices n’est-il pas divin ? Une infinité défaits semblables, qui nous le prouvent, nous prouvent en même temps l’existence des Dieux. Caries Dieux existent, s’ils ont des interprètes : or ils en ont : ils existent par conséquent. On dira que les prédictions ne s’accomplissent pas toujours. Parce quêtons les malades ne guérissent pas, en conclura-t-on que l’art delà médecine est nul ? Ce qui regarde les Dieux, c’est de nous marquer l’avenir par des signes : mais si l’on se trompe à ces signes, c’est la faute des hommes, et non pas des Dieux. Toutes les nations, toutes les tètes s’accordent donc à reconnaître des Dieux. C’est un sentiment inné et comme gravé dans tous les cœurs.

V. Quels sont les Dieux, on est partagé là-dessus : mais sur leur existence, il n’y a qu’un même avis. Cléanthe, un de nos Stoïciens, rapporte l’idée que les hommes ont des Dieux à quatre causes. La connaissance que l’on peut avoir de l’avenir, c’est la première, dont je viens de parler. Cette abondance de choses utiles et agréables, que la température de l’air et la fécondité et gouffres qui se. creusent tout à coup, animaux monstrueux, torches ardentes qui paraissent dans l’air, comètes qui pendant la guerre d’Octavius nous présagèrent d’horribles maux. Enfin deux soleils, comme j’ai entendu dire à mon père qu’il en parut sous le consulat de Tuditanus et d’Aquilius, la même année que s’éteignit un autre soleil, j’entends Scipion l’Africain. Tout cela, dis-je, a épouvanté les hommes, et leur a fait soupçonner qu’il y a une puissance céleste et divine. Mais la quatrième preuve de Cléanthe, et la plus forte de beaucoup, c’est le mouvement réglé du ciel, et la distinction, la variété, la beauté, l’arrangement du soleil, de la lune, de tous les astres. Il n’y a qu’à les voir pour juger que ce ne sont pas des effets du hasard. Comme quand on entre dans une maison, dans un gymnase, dans un lieu où se rend la justice, d’abord l’exacte discipline, et le grand ordre qu’on y remarque, font bien comprendre qu’il y a là quelqu’un qui commande et qui est obéi : de même, et à plus forte raison, quand on voit dans une si prodigieuse quantité d’astres une circulation régulière, qui depuis une éternité ne s’est pas démentie un seul instant, c’est une nécessité de convenir qu’il y a quelque intelligence pour la régler.

VI. Chrysippe, avec toute sa pénétration, n’aurait pu, ce semble, trouver ce qu’il dit sur