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CICÉRON.

faire du tout, c’est D’être pas ; un homme qui prétend que les Dieux ne font absolument rien, ne me parait guère moins coupable qu’un athée. Voilà donc leur existence si clairement prouvée, que ceux qui la nieraient, je les croirais presque fous.

XVII. Je viens à examiner quels sont les Dieux. Ici rien de si difficile que de contraindre notre esprit à juger lui-même, sans s’arrêter à ce que nos yeux lui disent. Cette difficulté a fait que le vulgaire ignorant, et que des philosophes en cela semblables au vulgaire, n’ont pu songer aux Dieux, qu’en se les représentant sous une figure humaine : sentiment dont Cotta nous a si bien montre le faible, que je n’ai plus à en parler, is puisque l’idée que nous avons d’un Dieu réunie incontestablement deux choses, l’une qu’il il anime, l’autre qu’il soit le meilleur de tous êtres ; je ne vois rien de plus conforme à ces notions primitives, que d’attribuer une âme et la divinité même à l’univers, le meilleur de tous les les possibles. Qu’Épicure là-dessus plaisante tant qu’il voudra, quoique mauvais plaisant, en quoi ce n’est pas tenir de son pays. Qu’il dise qu’un Dieu rond, et qui ne fait que tourner, est pour lui quelque chose d’incompréhensible : je ne laisserai pas, moi, de me fixer à un principe qu’il avoue lui-même. Car il faut, selon lui, qu’il y ait une nature souverainement parfaite ; et c’est sur quoi il se fonde pour croire des Dieux. Or il certain que le monde est souverainement parfait. Il est certain aussi que d’être animé, sensitif, intelligent, raisonnable, ce sont des perfections. D’où je conclus que le monde est animé, sensitif, intelligent, raisonnable, et que par conséquent il est Dieu. Tout cela bientôt se verra mieux, par le détail que je ferai de ses opérations.

XVIII. Mais, en attendant, croyez-moi, Velléius, n’étalez point l’ignorance de votre secte. Vous prétendez que le cône, que le cylindre, que la pyramide l’emporte sur la sphère pour la beauté. C’est avoir d’autres yeux que les autres hommes. Outre que ce n’est pas à la vue seule d’en juger. Pour moi, à ne consulter même que mes yeux, je ne vois en ce genre rien de si beau qu’une figure qui seule renferme toutes les autres, qui n’a rien de coupé par des angles, rien qui aille de biais, rien de raboteux, point d’inégalité, point de bosse, point de creux. Aussi les deux ligures les plus estimées, savoir le globe parmi les solides, et le cercle parmi les planes, sont les seules dont toutes les parties soient semblables entre elles, et où le haut et le bas soient également éloignés du centre. : qui est ce qu’on peut imaginer de plus juste. Mais si cela passe vos lumières, parce que vous ne touchâtes jamais à la savante poussière des géomètres : n’avez-vous pu au moins comprendre, vous qui êtes physiciens, qu’un mouvement aussi égal, aussi constant que celui de l’univers, demande nécessairement une figure sphérique ? Rien ne marque si peu de science, que d’avancer, comme vous faites, qu’on peut douter si ce monde est rond ; qu’il pourrait ne l’être pas ; que parmi des mondes innombrables, les uns ont une forme, les autres une autre. C’est ce qu’Épicure n’eût jamais dit, s’il eût seule-