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CICÉRON.

grande utilité pour le genre humain, on l’a déifié : et, par les noms mêmes que je viens de rapporter, ou voit ce que c’est que chacun de ces dieux, quelle est sa vertu.

XXIV. Ce fut, d’ailleurs, une coutume générale, que les hommes qui avaient rendu d’importants services au publie fussent places dans le ciel par la renommée et par la reconnaissance. Ainsi furent déifiés Hercule, Castor, Pollux, Esculape, Bacchus. J’entends le Bacchus fils de Sémélé, et non pas le fils de Cires, auquel nos ancêtres ont défère les honneurs divins, en même temps qu’à Cerès elle-même et à sa fille. Par les livres qui traitent de nos mystères, on voit ce que cela signifie. Romuhis, ou Quirinus, car on croit que c’est le même, fut déifié comme les autres que j’ai nommés. Ils méritaient effectivement d’être mis au nombre des Dieux, parce que leurs âmes subsistant et jouissant de l’éternité, (1 s lors c’étaient des êtres parfaits et immortels. Mais ce qui a encore multiplié beaucoup les Dieux, c’est qu’on a personnifié diverses parties de la nature. Les fables de nos poètes, toutes nos superstitions viennent de là. Après Zénon, qui a traité cette matière le premier, Cléanthe et Chrysippe l’ont expliquée plus au long. Toute la Grèce est imbue de cette vieille croyance, que C< lus fut mutilé par son fils Saturne, et Saturne lui-même enchaîne par son fils Jupiter. Sous ces fables impies se cache un sens physique assez beau. On a voulu marquer que l’éther, parce qu’il engendre tout par lui-même, n’a point ce qu’il faut à des animaux pour engendrer par la voie commune.

XXV. On a entendu par Saturne, celui qui préside au temps, et qui en règle les dimensions. Ce nom lui vient de ce qu’il dévore les années ; et c’est pour cela qu’on a feint qu’il mangeait ses enfants ; car le temps, insatiable, d’années, consume toutes celles qui s’écoulent. Mais de peur qu’il n’allât trop vite, Jupiter l’a enchaîné, c’est-à-dire, l’a soumis au cours des astres, qui sont comme ses liens. Jupiter signifie père secourable. Par les poètes il est nommé

Des Dieux et des hommes le père ;
par nos ancêtres, le Très-Bon, le Très-Grand : et comme c’est quelque chose de plus glorieux en soi, et de plus agréable pour les autres, d’être bon que d’être grand, aussi le titre de Très-Bon précède toujours celui de Très-Grand. Jupiter, au reste, n’est autre que l’éther. Témoin le vers d’Ennius, que j’ai déjà cité,

Vois ce brillant éther, Que nous invoquons tous, et nommons Jupiter ;

avec un autre du même poëte,
J’en jure par celui qui répand la lumière.
Témoin encore la formule de nos augures, qui, pour dire le ciel éclairant, tonnant, disent, Jupiter éclairant, tonnant. Et ce bel endroit d’Euripide, choisi entre plusieurs,

 Du haut et vaste éther vois l’immense étendue,
Vois comme il tient la terre en ses brus suspendue ;
Et dis que c’est là Dieu, que c’est là Jupiter.