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DE LA NATURE DES DIEUX, LIV. II.

ver ce qui la constitue telle, remonter à des principes intelligents. La troisième se tire des merveilles que le ciel et la terre présentent à nos yeux. Première raison. Ou il faut nier l’existence des Dieux, comme la nient en quelque sorte Démocrite et Épicure par leur doctrine des images ; ou, si Ton reconnaît qu’il y a des Dieux, il faut les croire occupés, et à quelque chose d’excellent. Rien de si excellent que la manière dont le monde est gouverné. C’est donc la sagesse des Dieux qui le gouverne. Autrement, il faudrait imaginer quelque cause supérieure aux Dieux, soit une nature inanimée, soit une nécessité mue fortement, qui fasse ces beaux ouvrages que nous voyons. La puissance des Dieux par conséquent ne serait pas souveraine, puisque vous les soumettriez, ou à cette nécessité, ou à cette nature, par qui vous feriez gouverner le ciel, la terre, les mers. Or il n’est rien de supérieur à la divinité. Convenons qu’elle n’est donc soumise à rien, et qu’elle gouverne donc tout. En effet, si nous croyons de l’intelligence aux Dieux, nous leur devons croire aussi une providence qui embrasse les choses les plus importantes. Car peut-on les soupçonner, ou de ne pas savoir quelles sont les choses importantes, et quel soin elles demandent ; ou de n’avoir pas les forces nécessaires pour soutenir un si grand poids ? Ni l’ignorance, ni la faiblesse ne peuvent compatir avec la majesté des Dieux. Il est donc vrai, comme nous le prétendons, que la providence gouverne l’univers.

XXXI. Puisqu’on suppose l’existence des Dieux, (et il n’est pas possible de la révoquer en doute) c’est une nécessité qu’ils soient animés, et non-seulement animés, mais raisonnables ; lesquels étant, pour ainsi dire, unis par les liens d’une même société, se chargent de gouverner un monde comme si c’était une république, une ville commune à tous. Ainsi cette même raison, cette même vérité, cette même loi, qui ordonne le bien et défend le mal, est dans les Dieux comme dans les hommes. C’est d’eux par conséquent que nous viennent la prudence, l’intelligence. Voilà pourquoi nos pères ont érigé des temples à l’intelligence, à la foi, à la vertu, à la concorde. Les refuserions-nous aux Dieux, ces perfections dont nous vénérons les saints et augustes simulacres ? D’où peuvent-elles avoir découlé sur la terre, si ce n’est du ciel ? Puisque les hommes ont en partage la raison et la prudence, les Dieux ont sans doute les mêmes qualités, mais dans un plus haut degré ; et ne les ont pas seulement, mais les font servir à ce qu’il y a de plus grand et de meilleur. Or le monde est ce qu’il y a de plus grand et de meilleur : il est donc gouverné par la providence des Dieux. Enfin, pour se convaincre qu’il y a une divine providence qui règle tout, il suffit d’avoir bien observé que les Dieux, ce sont ces astres si lumineux et si puissants, le soleil, la lune, les étoiles, ou errantes, ou fixes ; le ciel et le monde lui-même, avec les choses qui ont quelque vertu singulière, d’une grande utilité pour tout le genre humain. Mais c’est assez insister sur la première de nos preuves.

XXXII. Pour traiter la seconde, faisons voir que tout est soumis à la nature, et parfaitement