Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/319

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que le riche. Il ouvrit des marchés, établit des jeux, rechercha tous les moyens de rapprocher et d’assembler les hommes. Par toutes les institutions il rappela à l’humanité et à la douceur ces esprits que la vie guerrière avait rendus cruels et farouches. Après avoir ainsi régné au milieu de la paix et de la concorde pendant trente-neuf ans (car nous suivrons de préférence le calcul de notre ami Polybe, le plus exact observateur des temps), il mourut en laissant à Rome les deux garanties les plus solides d’un puissant avenir, la religion et l’humanité, mises en honneur par ses soins.

XV. Est-il vrai, dit alors Manilius à Scipion, est-il vrai, comme on le rapporte, que ce roi Numa fut disciple de Pythagore, ou tout au moins pythagoricien ? Je l’ai souvent entendu dire aux vieillards, et je sais que c’est le sentiment public ; mais je ne vois pas que nos annales autorisent suffisamment cette tradition. — (Scipion) Rien n’est plus faux, Manilius ; et non seulement c’est une fiction, mais une grossière et absurde fiction : pour ma part, je ne connais rien de plus intolérable qu’un mensonge qui veut nous faire croire, non seulement ce qui n’est pas, mais ce qui de tous points est impossible. Il est avéré par l’histôire que Pythagore vint à Sybaris, à Crotone, et dans les différentes villes de la Grande-Grèce, la quatrième année du règne de Tarquin le Superbe. C’est dans la soixante-douzième Olympiade que se rencontrent à la fois le commencement du règne de Tarquin et l’arrivée de Pythagore. On voit donc, par un calcul facile, que Numa était mort depuis cent quarante ans environ lorsque Pythagore mit le pied en Italie ; et sur ce point aucun doute ne s’est jamais élevé dans l’esprit de ceux qui ont étudié avec soin l’histoire des temps. — Dieux immortels, s’écria Manilius, quelle erreur, et combien elle est enracinée ! Toutefois je ne ferai pas de difficulté à admettre que notre civilisation ne vienne pas d’outre-mer et qu’elle n’ait pas été importée à Rome, mais qu’elle soit l’œuvre de notre génie propre et de nos vertus domestiques.

XVI. Vous le reconnaîtrez bien plus clairement encore, reprit Scipion, si vous observez la marche successive de la république, et si vous la voyez s’avancer vers la perfection par un progrès naturel et constant. Vous trouverez digne des plus grands éloges la sagesse de nos ancêtres, qui accueillirent plusieurs institutions étrangères, mais leur donnèrent un développement et une excellence qu’elles n’avaient jamais connus au lieu de leur origine ; et vous comprendrez que ce n’est pas au hasard, mais au conseil et à la discipline, que le peuple romain doit cette puissance, dont la fortune, il est vrai, n’a point contrarié l’essor.

XVII. Après la mort de Numa, le peuple, sur la proposition d’un interroi, éleva Tullus Hostilius à la royauté, dans les comices par curies. Le nouveau roi, à l’exemple de Numa, fit confirmer sa puissance par une loi que les curies votèrent. Il s’acquit une grande réputation militaire, et fit de beaux exploits. Il construisit la place des comices et la curie, et les entoura des dépouilles des vaincus. On lui doit les formes légales des déclarations de guerre, et le droit sacré