Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/355

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tu dois à tes parents et à tes proches, que tu dois surtout à la patrie. Une telle vie est la route qui te conduira au ciel et dans l'assemblée de ceux qui ont vécu, et qui maintenant, délivrés du corps, habitent le lieu que tu vois.

XI. Mon père me montrait ce cercle qui brille par son éclatante blancheur au milieu de tous les feux célestes, et que vous appelez, d’une expression empruntée aux Grecs, la Voie lactée. Du haut de cet orbe lumineux, je contemplai l’univers, et je le vis tout plein de magnificence et de merveilles. Des étoiles que l’on n’aperçoit point d’ici-bas parurent à mes regards, et la grandeur des corps célestes se dévoila à mes yeux ; elle dépasse tout ce que l’homme a jamais pu soupçonner. De tous ces corps, le plus petit, qui est situé aux derniers confins du ciel, et le plus près de la terre, brillait d’une lumière empruntée ; les globes étoilés l’emportaient de beaucoup sur la terre en grandeur. La terre elle-même me parut si petite, que notre empire, qui n’en touche qu’un point, me fit honte.

XII. Comme je la regardais attentivement : Eh bien ! mon fils, me dit-il, ton esprit sera-t-il donc toujours attaché à la terre ? Ne vois-tu pas dans quel temple tu es venu ? Ne vois-tu pas le monde entier renfermé dans neuf cercles ou plutôt dans neuf sphères qui se touchent ? La première et la plus élevée, celle qui embrasse toutes les autres, est le ciel lui-même, le Dieu suprême, qui modère et contient tout. Au ciel sont fixées toutes les étoiles qu’il emporte éternellement dans son cours. Plus bas roulent sept globes, entraînés par un mouvement contraire à celui du ciel. À la première de ces sphères est attachée l’étoile de Saturne ; au-dessous brille cet astre propice au genre humain, et que nous nommons Jupiter ; puis l’on rencontre Mars à la lueur sanglante, et que la terre redoute ; ensuite, vers la moyenne région, le soleil, chef, roi, modérateur des autres astres, âme du monde, régulateur des temps, et dont le globe, d’une grandeur prodigieuse, pénètre et remplit l’immensité de sa lumière. Il est suivi des deux sphères de Vénus et de Mercure, qui semblent lui faire escorte ; enfin l’orbe inférieur est celui de la lune, qui roule enflammée aux rayons du soleil. Au-dessous d’elle il n’est plus rien que de mortel et de corruptible, à l’exception des âmes données à la race des hommes par un bienfait divin. Au-dessus de la lune, tout ce que tu vois est éternel. Le neuvième globe est celui de la terre, placée au centre du monde et le plus loin du ciel ; elle demeure immobile, et tous les corps graves sont entraînés vers elle par leur propre poids.

XII. Je contemplais toutes ces merveilles, perdu dans mon admiration. Lorsque je pus me recueillir : Quelle est donc, demandai-je à mon père, quelle est cette harmonie si puissante et si douce, au milieu de laquelle il semble que nous soyons plongés ? — C’est l’harmonie, me dit-il, qui, formée d’intervalles inégaux, mais combinés avec une rare proportion, résulte de l’impulsion et du mouvement des sphères, et qui, fondant les tons graves et aigus dans un commun accord, fait de toutes ces notes si variées un mélodieux concert. De si grands mouvements ne peuvent s’accomplir en silence ; et la nature a voulu qu’aux deux extrémités de l’échelle d’harmonie retentît d’un côté un son grave, et de l’autre une note aiguë.