Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/535

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ploya-t-il pas pour reprendre Tarente ? Salinator, qui, après avoir perdu la ville, s’était réfugié dans la citadelle, se glorifiait du succès de Fabius, et lui disait, moi présent : « Vous avez repris Tarente, grâce à mes soins. » — « Sans doute, répondit Fabius en riant ; car si vous ne l’aviez perdue, je ne l’aurais jamais reprise. » Il ne fit pas éclater plus de courage sur les champs de bataille qu’au Forum : consul pour la seconde fois, tandis que son collègue Sp. Carvilius gardait le silence, il s’opposa de toutes ses forces au tribun du peuple G. Flaminius, qui partageait au peuple par tête, et contre l’autorité du sénat, les champs du Picénum et de la Gaule ; augure, il osa dire que tout ce qui servait la république était accompli sous de bons auspices ; tout ce qui lui portait atteinte, sous de mauvais. Que de qualités, que de vertus admirables il réunissait ! Mais rien n’approche de l’héroïsme avec lequel il supporta la mort de son fils, homme distingué et personnage consulaire. Il prononça lui-même l’éloge funèbre qui nous est conservé ; en le lisant, comme nous trouvons misérables tous les discours des philosophes ! Ce n’était pas seulement aux yeux du monde et en public qu’il avait cette grandeur ; à l’ombre du foyer domestique, je le trouvais plus grand encore. Quelle conversation ! quels conseils ! quelle connaissance de l’antiquité ! quelle science du droit augural ! ajoutez-y beaucoup plus de littérature que n’en a d’ordinaire un Romain. Il savait par cœur toutes les guerres non-seulement domestiques, mais étrangères ; j’étais avide et charmé de l’entendre ; il semble que je pressentais qu’après lui, je ne trouverais plus personne pour m’instruire.

V. Mais pourquoi tant insister sur Maximus ? parce que je veux vous montrer que ce serait une impiété de déclarer une telle vieillesse malheureuse. Il est vrai que tous les vieillards ne peuvent être des Scipions et des Fabius, ni avoir à se rappeler leurs prises de villes, leurs combats sur terre et sur mer, leurs guerres et leurs triomphes. Le soir d’une vie calme, élégante et pure, a sa douceur aussi et son charme : telle fut la vieillesse de Platon, que la mort vint chercher au milieu de ses travaux à quatre-vingt-un ans ; celle d’Isocrate, qui nous dit avoir écrit, à quatre-vingt-quatorze ans, son livre intitulé Panathenaicus, et qui vécut encore cinq ans après. Gorgias de Léontium, son maître, accomplit sa cent septième année, et jamais il ne renonça à l’étude ni au travail. On lui demandait pourquoi il voulait tellement prolonger sa vie : « Je n’ai aucune raison d’accuser la vieillesse, » répondit-il. Belle réponse, et digne d’un homme aussi docte. Les fous accusent la vieillesse de leurs défauts, et lui reprochent ce dont la faute est à eux seuls : Ennius, que je citais tout à l’heure, n’agissait pas ainsi. « Comme le coursier généreux qui souvent, dans la carrière olympique, a brillé le premier au terme de l’espace, repose aujourd’hui arrêté par le poids des ans. » À la vieillesse d’un coursier généreux et victorieux, Ennius compare la sienne ; vous pouvez facilement vous la rappeler. T. Flamininus et M'. Acilius, nos consuls, ont été nommés vingt-un ans après sa mort, arrivée sous le second consulat de Philippe, qui avait Cépion pour collègue, à l’époque où, âgé de soixante-cinq ans, je soutenais la loi Voconia d’une voix assez puissante et, je crois, avec de bons poumons. À l’âge de soixante-dix ans