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CICÉRON

et que rien ne peut assouvir ; en sorte que sa soif, à mesure qu’il la satisfait, en devient plus ardente ? Que dirons-nous de ces esprits légers, qui s’abandonnent aux transports d’une joie frivole, et qui sont toujours si contents d’eux-mêmes ? Plus on les voit infatués de leur bonheur, plus ils font pitié. Tous ces gens-là étant malheureux, il faut donc, au contraire, que ceux-là soient heureux, qu’aucune frayeur n’émeut, qu’aucun chagrin ne ronge, qu’aucune cupidité n’enflamme, qu’aucune folle joie ne transporte, qu’aucune volupté n’amollit. On juge que la mer est calme, quand sa surface n même agitée du moindre vent ; et de me on juge que l’âme est tranquille, quand un trouble ne l’agite. Quelqu’un, d’un courage à l’épreuve des plus cruelles injures du sort, el conséquent inaccessible a la crainte et à la t de plus il a foulé aux pieds la cupidité et la volupté, par où ne serait-il pas heureux ? Or, supposé que la vertu mette un homme dans cette situation, comment n’aurait-elle pas tout ce qu’il faut pour nous procurer un bonheur parfait ?

VII. L’a. On ne peut nier que ce ne soit être heureux, que de vivre sans crainte, sans tristesse, sans désir, sans folle joie. Ainsi sur ce point-là, nous sommes d’accord. C. Vous ne pouvez me contester l’autre : car dans nos disputes précédentes il a été reconnu que l’âme du sage fermait l’entrée à toute passion. Voilà donc ma thèse prouvée. L’a. Peu s’en faut, à la vérité. C. Je m’en tiendrais là, si je disputais ici en mathématicien plutôt qu’en philosophe. Quand les géomètres veulent démontrer quelque problème, leur méthode est de supposer comme accordé ce qu’ils ont prouvé précédemment, et de s’arrêter uniquement à la preuve de la proposition qui n’a point encore été démontrée. Mais les philosophes, quand ils traitent quelque matière, ils rassemblent toutes les preuves qui tendent à soutenir le point contesté ; quoiqu’ils les aient déjà établies ailleurs. Autrement, lorsqu’on demande aux Stoïciens, si la vertu seule peut faire notre félicité, ne se borneraient-ils pas à répondre qu’ils ont établi ailleurs ce principe % Qu’il n’y a rien de bon, que ce qui est honnête : d’où il suit que la vertu suffît pour rendre la vie heureuse ; l’un étant une conséquence de l’autre ? Ce n’est pourtant pas ainsi qu’ils en usent. Ils ont des Traités séparés, et sur l’honnête, et sur le souverain bien ; quoique le premier conduise naturellement à cette conclusion, Que la vertu seule est ce qui peut nous rendre heureux. Il y a pour chacune de ces propositions des preuves qui lui sont propres ; et surtout pour une proposition aussi importante que celle-ci, qui renferme (prenez-y bien garde) la plus sublime doctrine, et la plus grande, la plus magnifique promesse de la philosophie. Car, grands Dieux ! que promet-elle ? Qu’en obéissant à ses lois, on sera toujours armé contre les atteintes de la fortune : on possédera en soi-même toutes les ressourça nécessaires pour vivre content : en un mot, on sera toujours heureux. Je verrai si elle tient parole. Je compte déjà pour beaucoup, l’engagement qu’elle prend. Xerxès, tout comblé qu’il était des faveurs de la fortune, non content