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MADAME ROLAND

Phlipon rentra dans le moment et la conversation s’établit sur l’abbé Raynal, sur Rousseau, sur les voyages, sur le gouvernement.

M. Jean-Marie Roland de la Platière appartenait à une famille du Beaujolais autrefois en possession de grands biens et dont une branche avait été anoblie dans l’échevinage de Lyon. Il ne lui restait de l’ancien faste qu’une demeure à Villefranche et une maison de campagne bâtie au milieu des vignes, que l’on nommait le Clos.

M. Roland, le père, avait eu, de son mariage avec demoiselle Thérèse Bessye de Montozan, cinq fils dont les quatre premiers étaient dans les ordres, tandis que le dernier, né en 1734, Jean-Marie, — celui qui nous occupe — était avocat au Parlement. Le père mort, en 1747, c’était l’aîné, le chanoine Dominique, qui, devenu chef de famille, faisait valoir les terres. Il habitait la maison paternelle avec sa mère et son frère Laurent. Les deux autres fils, Jacques et Pierre, entrés dans la Congrégation de Cluny, avaient renoncé à leur part de succession.

La profession de Jean-Marie l’avait d’abord conduit à Rouen où il s’était lié avec les chanoinesses Malortie, et à Dieppe, où il avait connu Cousin-Despréaux. Avec eux il avait fondé la société littéraire « des Grecs » où on l’appelait Thalès. Il avait formé, à cette époque, le projet d’épouser Marie-Magdeleine Malortie, une jeune sœur de ses amies qui mourut avant les noces et que, sous le nom de Cléobuline, il avait célébrée dans une sorte de thrène adressé à la petite société des « Grecs ».

Mlle Phlipon, lorsqu’elle vit pour la première fois M. de la Platière, avait des préoccupations intimes qui la détournèrent de remarquer qu’il avait prolongé sa visite au delà des bornes habituelles.

Elle venait en effet de se livrer à une manifestation romanesque en écrivant à La Blancherie, son soupirant, une lettre où elle le priait de renoncer à elle puisqu’elle ne pouvait obtenir l’aveu paternel, mais où, en lui déclarant son amour, elle ajoutait qu’elle ne se marierait jamais.