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CHAPITRE III

LA VIE CONJUGALE
(1780-1789)


« Je sens mon cœur sur un oreiller lorsque je sais mes amis contents. »
Mme Roland.


Les premières années de M. et Mme de la Platière nous sont moins connues que les précédentes et que celles qui suivront.

On dit que le bonheur n’a pas d’histoire, mais nous savons que Mme Roland a qualifié son union de « lien sévère », d’« association où la femme se charge du bonheur de deux individus ».

Les Mémoires, qui abondent en vivants détails sur Manon Phlipon, deviennent soudainement brefs[1] à partir de son mariage. D’autre part, la riche correspondance avec les demoiselles Cannet se ralentit, puis s’arrête.

L’affection que Mme Roland témoigne à cette Sophie, jusque-là si chère, s’est visiblement affaiblie. Quelque chose de raisonnable et d’à peine obligeant même parfois, a remplacé l’exubérance et l’enthousiasme. Ah ! qu’il est difficile de pardonner à une amie les déceptions qu’on lui a causées !

Et puis, la jeune femme est entièrement livrée à l’influence d’un mari dont cette amitié offusque depuis longtemps le caractère exclusif et roide :

Je te le répète après te l’avoir dit bien des fois, écrivait-il déjà au cours des années précédentes, je n’ai aucune confiance en ces per-

  1. Mme Roland, dans une note, donne une raison tragique de ce laconisme. « J’ai laissé mon dernier cahier à Vincennes, dit-elle, mais à suivre ainsi les choses pied à pied, j’aurais à faire un long travail pour lequel je n’ai plus assez à vivre. Je me borne à un aperçu. »