Page:Cléri - Le secret de la malle rouge, 1915.djvu/59

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Mme Bulck remarqua sans doute notre surprise car, à peine remise de son émotion, elle dit à Albert Lelong :

— Je me souviens, Monsieur, de vous avoir vu à Evan, où naguère j’allais passer quelques mois tous les deux ou trois ans ; mais votre nom m’était inconnu…

— C’est vrai, Madame, je vous ai aussi maintes fois rencontrée en compagnie de dames qui étaient nos voisines.

— C’étaient des amies d’enfance, oui…

Mme Bulck ne continua pas. L’effort qu’elle avait fait pour parler l’avait abattue.

Nous nous excusâmes du dérangement que nous avions occasionné à nos hôtes et nous nous retirâmes dans nos appartements…

Après le souper, notre hôte conduisit Albert Lelong jusqu’à la chambre qui lui était réservée.

Sagan me fit signe de le suivre.

Dès que nous fûmes seuls :

— Avez-vous remarqué, demandai-je, l’émotion de Mme Bulck et l’étonnement de M. Lelong ?

— Oui, mais tout cela n’a pas d’importance pour le moment.

— Comment… ce fait ne vous étonne pas ?

— Non. Je connais cette idylle. Avant son mariage avec M. Bulck, Jane Law allait quelquefois à Evan, accompagnée de sa sœur. Comme elle l’a déclaré, elle rencontra maintes fois M. Lelong. Tous deux se contemplaient et… s’aimaient en silence. Le jeune homme était timide : il se bornait à envoyer des lettres admiratives qu’il signait de son seul prénom : Albert. Jane Law, jeune fille naïve, sortie de pension, rêvait en lisant ces missives écrites par un chevalier d’amour… Là se borna l’idylle… ainsi finit l’histoire… Le père Law choisit pour sa fille l’époux qui lui convenait, M. William Bulck. En enfant soumise, la